Réhabilitation respiratoire dans la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO)
Respiratory rehabilitation in chronic obstructive pulmonary disease (COPD)
C. Prefaut
Département de Physiologie Clinique, INSERM U1046. CHRU de Montpellier - France
Corresponding author
Dr. Christian PREFAUT
Département de Physiologie Clinique, INSERM U1046. CHRU de Montpellier - France
E-mail: c-prefaut@chu-montpellier.fr
ABSTRACT
Introduction. COPD, likes all other chronic diseases, is characterized by systemic manifestations. We must remember the concept of the spiral or vicious circle of dyspnea or deconditioning in physiopathology of COPD. A patient with COPD has lost much of his lung function and it is difficult to regenerate.
Discussion. Rehabilitation can give COPD patients new muscle skills, behavioral. The importance of the resumption of physical activity is based on evidence from the 1970s. Personalized pulmonary rehabilitation in COPD aims to reduce symptoms, improve exercise tolerance, optimize social participation and reduce the cost of the disease in stabilizing or improving the systemic manifestations of the disease. It has two axes, symptomatic whose cornerstone is effort retraining, psychosocial axis is centered on patient education. Also its overall effectiveness is the result of an improvement in systemic manifestations of the disease described in the pathophysiology of COPD. In other words, the marked reduction of the patient's dyspnea is not the result of respiratory improvement but that respiratory muscle function with decreased dyspnea from muscular origin.
Conclusion. In all cases, the management should at least give and monitor the application of minimum guidance in rehabilitation, applicable by all, at least in terms of recovery of physical activity.
KEYWORDS: COPD, rehabilitation, therapeutical education, minimal guidance
RÉSUMÉ
Introduction. La BPCO, comme toutes les maladies chroniques, est caractérisée par des atteintes systémiques. On doit rappeler le concept de la spirale ou cercle vicieux de la dyspnée ou du déconditionnement dans la physiopathologie de la BPCO. Un patient BPCO a perdu une grande partie de sa fonction pulmonaire, qu’il nous est difficile de régénérer.
Discussion. Toutefois la réhabilitation peut donner aux BPCO de nouvelles habilités musculaires, comportementales. L’ importance de la reprise de l’activité physique est basé sur les preuves depuis les années 1970. Personnalisée la réhabilitation respiratoire chez les BPCO a pour objectif de diminuer les symptômes, d’améliorer la tolérance à l’effort, d’optimiser la participation sociale et de réduire le coût de la maladie en stabilisant voire en améliorant les manifestations systémiques de la maladie. Elle comprend deux axes, le symptomatique dont la pierre angulaire est le réentrainement à l’effort, l’axe psychosocial étant centré sur l’éducation thérapeutique. Par ailleurs son efficacité globale est la conséquence d’une amélioration des atteintes systémiques de la maladie décrite dans la physiopathologie de la BPCO. En d’autres termes la franche diminution de l’essoufflement du patient n’est pas la conséquence d’une amélioration respiratoire mais de celle de la fonction musculaire avec diminution de la dyspnée d’origine musculaire.
Conclusion. Dans tous les cas le soignant doit au minimum donner et suivre l’application du conseil minimal en réhabilitation applicable par tous au moins en termes de reprise de l’activité physique.
MOTS CLES: BPCO, réhabilitation, éducation thérapeutique, conseil minimal
INTRODUCTION
Faire de la réhabilitation, c’est donner de nouvelles habilités. Un patient respiratoire a perdu une grande partie de sa fonction pulmonaire, qu’il nous est difficile de régénérer. Toutefois la réhabilitation peut lui donner de nouvelles habilités musculaires, comportementales… L’importance de la reprise de l’activité physique est connue depuis Hippocrate et Gallien toutefois son rôle thérapeutique n’a été confirmé, « basé sur les preuves », que depuis les années 1970.
Selon l’OMS la réhabilitation dans les maladies chroniques est « un ensemble de soins personnalisés, dispensé par une équipe multidisciplinaire, qui a pour but de renforcer les aptitudes physiques, mentales et sociales des patients afin de les autonomiser et d’améliorer leur qualité de vie » Concernant les patients respiratoires un groupe de travail commun entre l’American Thoracic Society et l’European respiratory Society (ATS/ERS) a publié en 2006 [1] des recommandations basées sur la définition suivante « La réhabilitation respiratoire, dont le contenu est basé sur les preuves, est une intervention multidisciplinaire et globale pour les patients respiratoires chroniques symptomatiques et présentant une réduction des activités physiques quotidiennes.
Personnalisée la réhabilitation respiratoire a pour objectif de diminuer les symptômes, d’améliorer la tolérance à l’effort, d’optimiser la participation sociale et de réduire le coût de la maladie en stabilisant voire en améliorant les manifestations systémiques de la maladie ».
Ces deux définitions complémentaires mettent en évidence plusieurs points clés. La réhabilitation respiratoire (RR) est basée sur les preuves, son approche est multidisciplinaire mais toujours personnalisée, adaptée à chaque patient. Elle comprend deux axes, le symptomatique dont la pierre angulaire est le réentrainement à l’effort (REE), l’axe psychosocial étant centré sur l’éducation thérapeutique (ETP). Par ailleurs son efficacité globale est la conséquence d’une amélioration des atteintes systémiques de la maladie décrite dans la physiopathologie de la BPCO. En d’autres termes la franche diminution de l’essoufflement du patient n’est pas la conséquence d’une amélioration respiratoire mais de celle de la fonction musculaire avec diminution de la « dyspnée d’origine musculaire ».
Après avoir évoqué les bases physiopathologiques de la réhabilitation respiratoire nous envisagerons les évaluations à réaliser, puis la pratique de la composante somatique (réentrainement à l’effort…) et de la composante psychosociale (éducation thérapeutique…), après avoir rappelé les résultats de cette thérapeutique, nous dirons un mot sur le suivi au long terme des patients. Nous terminerons par ce que tout pneumologue, tout médecin peut et doit prescrire devant un malade respiratoire chronique « le conseil minimal en réhabilitation ».
LES BASES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE LA REHABILITATION
La BPCO, comme toutes les maladies chroniques, est caractérisée par des atteintes systémiques. Nous ne rappellerons que le concept de la spirale (ou cercle vicieux) de la dyspnée (ou du déconditionnement) [2].
Tout d’abord le versant symptomatique de ce cercle vicieux. Le malade respiratoire est essoufflé lorsqu’il réalise un effort, c’est la conséquence de l’obstruction de ses petites voies aériennes, on parle de la part respiratoire de la dyspnée. Très logiquement il réduit son activité pour ne plus ressentir ce symptôme angoissant. Il se sédentarise ce qui va induire une atrophie progressive des muscles de la locomotion. Cette atrophie s’accompagne d’une modification de la distribution des fibres musculaires. Ainsi les fibres de type I aérobies, celles de la vie de tous les jours vont voir leur nombre diminuer fortement au profit des fibres de type II glycolytiques celles des efforts exhaustifs, mais qui sont aussi des fibres de « recours ». Lors d’un prochain exercice les fibres de type II vont donc être activées à la place des fibres de type I puisque ces dernières sont manquantes. Le mouvement va avoir lieu, mais au prix d’une production d’acide lactique. Celui-ci va être dans un premier temps tamponné par les bicarbonates pour donner du CO2. Qu’il soit tamponné ou non cet acide lactique va indirectement ou directement stimuler les métabo-récepteurs musculaires, voire les centres nerveux respiratoires avec pour conséquence une hyperventilation réactionnelle (dans le but d’ éliminer CO2 et ions H+). Cette hyperventilation va bien entendu aggraver la dyspnée (ce que l’on appelle la part musculaire de la dyspnée). Le patient va encore diminuer son activité, toujours pour éviter son essoufflement, la fonction musculaire va encore s’aggraver de même que la dyspnée, il s’agit donc bien d’un cercle vicieux. Finalement le patient ne bougera plus.
Ce cercle vicieux va avoir un homologue sur le plan psychosocial. Il suffit d’observer un patient au pied d’un escalier, il n’a pas encore monté une marche mais il est déjà essoufflé. L’explication est simple, ce patient sait qu’il va être essoufflé, il est anxieux, stressé et va donc sécréter des catécholamines, un autre excellent stimulant des centres nerveux respiratoires, donc facteur d’hyperventilation.
Il s’agit d’une angoisse liée avec un symptôme qui va induire une kinésiophobie puis une anxiété liée à la maladie, beaucoup plus grave puisqu’il s’agit d’ une anxiété de mort. Celle-ci va progressivement évoluée en une dépression mineure dans la majorité des cas, parfois plus sévère. La BPCO a le triste privilège d’être la maladie chronique qui donne le plus de dépression.
Tant du point de vu symptomatique que psychosocial les bases physiopathologiques de la réhabilitation sont simples. Il faut « remonter » le cercle vicieux, le transformer en cercle vertueux. Pour ce faire la réintroduction de l’activité physique est obligatoire puisqu’elle diminuera la part musculaire de la dyspnée, améliorera la tolérance à l’effort et la qualité de vie du patient et par la même réduira sa dépression, son anxiété. D’autre part l’éducation thérapeutique est incontournable pour faire évoluer les comportements du patient et ainsi maintenir les acquis du réentrainement à l’effort.
LES EVALUATIONS
La première évaluation à réaliser est celle de la dyspnée, tout d’abord à travers l’interrogatoire du patient, ce qui n’est pas si facile à réaliser. En effet à la question « êtes-vous essoufflé ? », la réponse en toute bonne foi du patient est « non ». En effet il s’est adapté, par la sédentarisation, à son essoufflement. Il faut donc poser au moins 2 autres questions. « Et lorsque vous montez un escalier ou une côte ? », et finalement « lorsque vous vous promenez avec une personne du même âge, celle-ci doit-elle ralentir le pas ? ».
On classe alors la dyspnée en 5 stades: 1) dyspnée apparaissant au 2ème étage, 2) au premier étage, 3) au pas d’un accompagnant, 4) à son propre pas, 5) au moindre mouvement. Il s’agit donc d’une évaluation déclarative. On peut également faire une évaluation observationnelle à un moment donné, normalement au cours d’un exercice par exemple le test de marche de 6 minutes. On utilise une échelle visuelle analogique (EVA). Il s’agit d’un simple trait horizontal de 10 cm sur une feuille de papier. L’extrémité de gauche est définie comme étant celle de l’absence de dyspnée. A droite comme un état d’asphyxie. Le patient estime sa propre sensation en traçant un trait vertical entre ces 2 extrémités.
Bien entendu il faut réaliser une spirographie voire des gaz du sang chez le patient pour bien confirmer son état de malade respiratoire. Mais en aucun cas la spirographie isolée ne pourra servir de base de prescription à la réhabilitation. On réalisera également un ECG à la recherche d’une contre
indication à la réhabilitation ou au test de marche.
L’exploration de la tolérance à l’effort est très importante. Certes il est possible de faire une épreuve d’ effort, mais il est beaucoup plus simple de réaliser un test de marche de 6 minutes (TDM6). Ce dernier se fait habituellement dans un couloir idéalement d’une trentaine de mètres, ou d’une longueur différente l’important étant que ce soit le même couloir qui soit utilisé pour un même patient à chaque évaluation. Après avoir mesuré la dyspnée (EVA) du patient on lui demande parcourir la plus grande distance possible en 6 minutes en marchant le plus rapidement possible mais sans courir. On surveille la fréquence cardiaque (qui doit rester stable pendant les 3 dernières minutes) et la saturation du patient. A la fin du test on doit mesurer la distance parcourue et évaluer la dyspnée (EVA). Les résultats sont essentiellement exprimés en distance parcourue rapportée aux valeurs théoriques, en variations de dyspnée et de saturation oxyhémoglobinée.
Il est intéressant de calculer le BODE index qui est le premier index intégré, évaluant à la fois la maladie organique primaire et la maladie systémique secondaire [3]. BODE représente l’acronyme de Body mass index, d’Obstruction à partir du VEMS, de Dyspnée en utilisant l’interrogatoire et enfin de capacité d’Exercice par le biais du TDM6. Cet index est beaucoup plus précis pour évaluer un patient, prescrire et suivre les résultats de la réhabilitation que le simple VEMS [2].
On pourrait regretter que le BODE ne fasse pas intervenir la Qualité de Vie (QV) un élément incontournable de l’évaluation et du suivi des malades chroniques en général de la BPCO en particulier. Comme nous l’avons précisé le BODE est le premier index intégré de la BPCO et c’est déjà beaucoup et ce d’ autant plus que lorsqu’il a été construit les questionnaires de qualité de vie spécifiques les plus utilisés c’est-à-dire le Saint George et Chronic Respiratory Questionnaire (CRQ) n’étaient utilisables que sur des cohortes et de passation trop longue (+/- 30 min). Récemment nous avons développé et validé [4] un questionnaire court de qualité de vie le VQ11 qui comme son acronyme le sous-entend ne contient que 11 questions mais qui couvrent l’ensemble des champs de la QV spécifiques à la BPCO.
Enfin il est indispensable du point de vu de l’éducation thérapeutique de réaliser un diagnostic éducatif. Il s’agit d’une part d’évaluer le savoir, le savoir-faire et le savoir être du patient par rapport à sa maladie et d’autre part ses objectifs ses souhaits personnels. Le savoir concerne ses connaissances, les vraies mais surtout les fausses qui sont innombrables. Le savoirfaire concerne par exemple la prise des sprays mais aussi la manière de pratiquer les activités de la vie journalière pour diminuer l’apparition de la dyspnée, de la fatigue… Le savoir être est en relation avec la réaction du patient par rapport à sa maladie est-il combattif, actif ou au contraire passif… Quant aux objectifs du patient par rapport aux programmes de réhabilitation, il s’agit d’en discuter avec lui pour savoir s’ils sont réalisables, trop ambitieux…
LA COMPOSANTE SOMATIQUE DU PROGRAMME DE REHABILITATION RESPIRATOIRE
L’élément essentiel de la composante somatique, après que le traitement médicamenteux ait été optimisé, stabilisé, est le réentrainement à l’effort.
Celui-ci comprend d’abord l’entrainement de type aérobie qui se fait habituellement au niveau des membres inférieurs soit sur une bicyclette statique soit en marchant. Les recommandations sont très précises [2], le programme formel doit au moins comprendre 20 sessions de 30 à 45 minutes de pédalage ou de marche à une intensité modérée. Au départ 2 théories s‘affrontaient. L’une basée sur la physiologie proposait de réentrainer les patients à haute intensité, globalement à 80% des possibilités maximales du patient pour que les résultats soit les meilleurs possibles. L’autre que nous défendions, de type comportemental, proposait un effort d’intensité moyenne pour fidéliser le patient (trop dyspnéique avec des intensités élevées) afin qu’il poursuive cette activité physique après le programme formel. Plus tard il a été montré que le réentrainement à haut niveau d’ intensité entrainait un stress oxydant musculaire qui chez certains patients pouvait aggraver l’atrophie musculaire.
Comme intensité moyenne nous avions proposé un réentrainement au niveau du seuil ventilatoire [5]. Ce seuil, que l’on mesure au cours d’une épreuve d’effort à charge croissante, correspond au moment où la ventilation augmente de manière exponentielle en relation avec une augmentation de l’acide lactique sanguin (seuil lactique), des catécholamines… Il correspond également au seuil d’apparition de la dyspnée. Ce dernier peut se mesurer simplement sur une simple bicyclette statique, dont on augmente progressivement la charge (frein), avec une échelle visuelle analogique de dyspnée. Lorsque le patient signale l’apparition de cette dernière on est au niveau de ce seuil. En pratique on relève la fréquence cardiaque au seuil de dyspnée, ou ventilatoire, ou lactique ce sera la fréquence cardiaque cible (+/- 5 battements par minute) du réentrainement. En pratique, si l’on a des difficultés à mesurer le seuil de dyspnée, le patient doit marcher ou pédaler à une intensité qui lui permet de parler normalement, le simple fait que la conversation devienne plus « hachée » indique une intensité trop élevée.
Le renforcement musculaire ou entrainement en résistance est un autre élément incontournable de la composante somatique de réentrainement à l’effort des patients. Puisque le patient entraine déjà ses membres inférieurs, il doit se réaliser préférentiellement au niveau des membres supérieurs, des abdominaux… Il est recommandé de faire 2 séries d’une dizaine de répétitions sur les groupes musculaires retenus (au minimum 7) à une puissance modérée c’est à dire 30 à 50% de la force maximale de chaque muscle. On peut régulièrement augmenter la puissance du travail, par exemple chaque fois que le mouvement est réalisé trop facilement. Il est conseillé de ne pas faire ce réentrainement 2 jours consécutifs, car il est source d’accumulation de lactates au niveau musculaire et donc de douleurs. Les muscles respiratoires représentent un cas particulier chez le BPCO puisque ce sont les seuls qui bénéficient d’un entrainement naturel chez ces patients qui doivent en permanence lutter contre l’obstruction bronchique. Seuls 10% d’entre eux, les plus sévères en fin d’évolution, nécessitent ce type de réentrainement [2].
L’équilibre et la coordination représentent le troisième élément à travailler au cours des sessions formelles de réentrainement à l’effort et ce d’autant plus que ces capacités régressent dès la soixantaine chez tout individu. Il faut toutefois savoir que pratiquer la marche ou mieux encore la danse est une façon naturelle d’entrainer équilibre et coordination.
La souplesse doit être également travaillée au cours des séances formelles de réentrainement à l’effort, volontiers dirigées par un professeur en activité physique adaptée ou par un kinésithérapeute.
Comme nous l’avons déjà précisé le nombre total minimal de sessions est de 20, à raison de 3 par semaine, par exemple 2 d’entrainement aérobie marche ou vélo au seuil de dyspnée et une de renforcement musculaire. On peut également prescrire 3 sessions globales par semaine mais qui doivent alors durer au moins 1h30, par exemple 10 min d’échauffement musculaire, 45 min d’entrainement aérobie, 15 min de renforcement musculaire, 10 min d’équilibre/coordination et 10 min de souplesse ou de relaxation. Il est tout à fait clair, après ces 20 sessions formelles, que le patient doit continuer son activité physique. Les effets du programme initial, parfaitement exécuté, ne persistent que 6 à 12 mois, le retour à la sédentarité replongera le patient dans le cercle vicieux du déconditionnement et donc de la dyspnée [2].
La kinésithérapie respiratoire est essentiellement réalisée chez les malades encombrés, par exemple au cours d’une exacerbation, en utilisant les méthodes d’augmentation du flux expiratoire. Il est important que le patient apprenne toutes les stratégies ventilatoire qui vont lui permettre d’économiser son énergie, de diminuer sa dyspnée (ventilation lèvres pincées, synchronisation inspiration/expiration au cours d’un exercice quelconque, montée d’escaliers…) afin d’optimiser, voire lui permettre de pratiquer les activités de la vie quotidienne (AVQ).
D’autres éléments doivent être évoqués dans la prise en charge somatique du BPCO, nous ne dirons qu’un mot de la prise en charge diététique. Il est nécessaire de faire grossir le patient cachectique, on sait que la prise d’un kilogramme augmente son espérance de vie. Pour ce faire il faut augmenter les charges protidiques et glucidiques. Il faut faire maigrir le patient obèse pour éviter les comorbidités type syndrome métabolique ou diabète de type II mais aussi l’aggravation de sa dyspnée. En effet l’obésité abdominale diminue la course et la force du diaphragme.
LA COMPOSANTE PSYCHO-SOCIALE DU PROGRAMME DE REHABILITATION RESPIRATOIRE
Ce n’est pas l’objectif de cet article de décrire les méthodes du sevrage tabagique mais plutôt d’évoquer sa relation avec la réhabilitation. On peut prescrire un programme de réhabilitation respiratoire à un fumeur, en sachant qu’elle sera moins efficace et gênera les autres membres du groupe déjà sevrés. Ce qu’il faut faire c’est passer un contrat avec le patient dans lequel il s’engage à débuter un sevrage tabagique dans le même temps que la réhabilitation (qu’il faut donc pouvoir mettre en place !). Il n’y a pas obligation de résultat immédiat, mais en pratique la réhabilitation et ses différentes composantes rendent le sevrage plus efficace que dans les conditions habituelles [2].
L’élément dominant du programme psychosocial est l’éducation thérapeutique. Mais quel est son rôle essentiel ? Il s’agit de faire évoluer les comportements du patient de l’état antérieur, où ils sont généralement inadaptés à la maladie, vers un autre état, celui-là adapté qui va être un facteur essentiel d’amélioration de la qualité de vie. Par exemple le patient va poursuivre son activité physique, lutter contre le tabagisme, devenir adhérent au traitement… Ce changement de comportement permet ainsi de maintenir les acquis, mais prend du temps, c’est donc aussi un processus qui doit être continu. Il n’est pas facile de faire évoluer ses comportements il ne s’agit pas de copier, de dupliquer de nouvelles attitudes, il
s’agit de les comprendre, de les intégrer. Les méthodes d’éducation seront donc essentiellement basées sur l’interactivité, la communication active et non pas sur l’information, l’enseignement magistral [2].
Nous avons déjà envisagé le diagnostic éducatif, dit autrement, il doit pouvoir répondre aux questions suivantes: Qui est-il ? Qu’est-ce qu’il a ? Qu’est-ce qu’il sait ? Qu’est-ce qu’il fait ? Quel est son projet ? A partir de ce profil éducatif on établit un projet individualisé, dont les objectifs seront d’améliorer le savoir (les connaissances) de ce patient, son savoirfaire c’est-à-dire ses capacités et son savoir-être ou les compétences qu’il a réellement acquises. Ce terme de compétence est extrêmement important, il s’agit de l’intégration de ce que l’on a appris et sait faire dans la vie de tous les jours. Le savoir être c’est l’appropriation du savoir-faire.
En pratique les ateliers d’éducation thérapeutiques sont totalement multi disciplinaires, tous les soignant y participent en fonction de leur spécialité et à condition d’être interactif avec les patients. Certains sujets, dits sécuritaires, sont incontournables: Connaitre et comprendre (intégration) sa maladie. Connaitre, comprendre et savoir utiliser les outils de son traitement : pourquoi tel ou tel médicament, pourquoi l’activité physique continue et la lutte contre la sédentarité ou le tabagisme, comment prendre ses spray. Reconnaitre les signes d’une exacerbation et quand ils apparaissent être acteur en fonction des consignes données. Les autres ateliers sont individualisés mais peuvent se faire en groupes de patients ayant ces objectifs en commun. Tous les sujets peuvent être abordés : la diététique, l’oxygène, la gestion du quotidien, celle du stress, la sexualité, l’image du corps, les apnées du sommeil, les autres maladies : diabète, cardio-vasculaire…
Il est enfin nécessaire de pratiquer une évaluation des connaissances et surtout du savoir être acquis. En réalité l’éducation thérapeutique peut être considérée comme une spécialité, auquel on peut se former par des diplômes universitaires. Ce ne sont pas les connaissances, les comportements à transmettre qui sont en question, mais les méthodes, les outils nécessaires pour faire faire passer les messages [2]. Un malade chronique, n’est pas un étudiant, il n’a pas 20 ans, il a des acquis réels mais aussi des fausses connaissances, il a besoin d’une grande écoute… et donc de techniques appropriées pour faire passer les propos tenus.
Un autre élément important de la prise ne charge psychosociale est représenté par les groupes de parole. Il s’agit d’un groupe de patient qui aborde un thème donné qu’il a choisi lui-même. La réunion se fait en présence d’un soignant si possible un psychologue mais dont le rôle doit se limiter à lancer les débats en évitant de trop intervenir par la suite. Ce sont les malades qui parlent aux malades. Le groupe leur permet d’exprimer spontanément leur vécu, de partager, de parler des problèmes commun, des solutions apportées par les autres et de se les approprier, de se rendre compte que l’on n’est pas seul avec sa maladie, que ces même souffrances ces mêmes ressentis, ces mêmes difficultés atteignent d’autres personnes. Les patients aiment beaucoup cette forme d’expression en groupe, de socialisation et de partage, facteur de libération des émotions et d’évitement du risque de repli sur soi [2].
Enfin certains patients peuvent avoir besoin d’un soutien psychologique qu’il soit en groupe ou individualisé dans quelques cas particuliers.
LES RESULTATS DE LA REHABILITATION RESPIRATOIRE
Depuis les années 60 des centaines de publications se sont intéressées aux effets de la réhabilitation, puis ces résultats ont été analysés en termes de « métaanalyses et d’evidence-based médecine ».
Pour lecteur intéressé, le plus beau travail à la base de toutes les synthèses est celui de Griffith et coll dans le Lancet [6]. Concernant les méta-analyses, nous ne rapporterons que la dernière de Lacasse [7] et pour l’evidence-based médecine (EBM) celle de Ries [8]. Quel que soit la méthode d’étude, les résultats sont très positifs et superposables.
La dyspnée diminue dans la vie quotidienne et au cours des exercices sous maximaux comme la marche… La force de l’évidence est de niveau A, c’est à dire le maximum possible, qui plus est cette amélioration est cliniquement significative c’est-àdire spontanément perçue par le patient qui vous dira par exemple qu’il ne s’arrête plus qu’une fois dans la côte qui mène chez lui (au lieu par exemple de 3 fois). L’amélioration de la tolérance à l’effort est également de niveau A et cliniquement significative, conséquence de l’amélioration de la dyspnée et de la fonction des muscles de la locomotion. Le test de marche montre par exemple sur l’ensemble des études une augmentation moyenne de 48,5 mètres, avec un intervalle de confiance de 31,6 à 65,3 mètres.
Sachant que le seuil cliniquement significatif est de 30 mètres l’immense majorité des patients bénéficie de ce gain. L’amélioration de la qualité de vie est également de niveau A et ce pour l’ensemble des domaines analysés. Les bénéfices psychosociaux en particulier sur la dépression sont très positif puisque de niveau B en EBM. L’élément le plus étonnant, puisque non prévu par le bases physiopathologiques, est la diminution de 50% du nombre de journées d’hospitalisation pour les exacerbations de la maladie, cette amélioration en termes d’EBM n’est que de B parce que les études portent sur un an rarement plus. Toutefois, elle répond à une question de base des programmes de réhabilitation : sont-ils coûtefficaces ? La réponse est clairement oui car la diminution du nombre de journées d’hospitalisation des patients ayant présentés une exacerbation compense le coût de l’ensemble de la réhabilitation (avec même un petit bénéfice !) sur la totalité des BPCO pris en charge [6].
Signalons enfin que la réhabilitation est efficace quel que soit la sévérité des patients (donc même ceux en fin d'évolution), le sexe ou le type de pratique: en institution, en ambulatoire, en réseau ou à domicile.
LA « POST-REHABILITATION »
Comme nous l’avons vu précédemment les effets du programme de réhabilitation respiratoire ne perdurent que 6 à 12 mois, s’il n’y a pas maintien des activités. En effet le retour vers la sédentarité et/ou de mauvais comportements de vie réinitialise les cercles vicieux du déconditionnement et de la dyspnée. Le patient doit donc absolument poursuivre ses activités physiques, psychosociales, être acteur de sa maladie alors même qu’il se retrouve seul, qu’il n’est plus pris en charge par une institution, un kinésithérapeute… Certains patients y arrivent spontanément, mais ils sont rares. Une alternative est la création d’association de patients sur le modèle des associations sportives mais ou l’on pratique des activités physiques modérées, de l’éducation thérapeutique…
Nous avons montré, que la poursuite d’un programme de réhabilitation dans ce type d’association non seulement maintenait les acquis mais entrainait une nouvelle amélioration en termes de tolérance à l’effort et de dyspnée mais aussi de qualité de vie et de rapport coût-bénéfice [9].
LE CONSEIL MINIMAL EN REHABILITATION
Il est possible de pratiquer le programme ci-dessus avec un minimum de matériel à l’hôpital, en ambulatoire, chez un kinésithérapeute… à condition que le soignant ait eu un minimum de formation surtout en éducation thérapeutique, qu’il sache mesurer le seuil de dyspnée… Mais tout ceci peut paraitre quand même très compliqué retardant par la même la prise en charge du patient, aggravant le cercle vicieux du déconditionnement, de la dyspnée, favorisant l’apparition de nouvelles comorbidités.
La lutte contre la sédentarité, l’adhérence aux traitements étant indispensables, la question est donc de savoir ce que peut faire le praticien démuni pour aider le patient. La première action est bien entendu de mettre en place un sevrage tabagique, la seconde est de prescrire un programme minimal de réhabilitation. Concernant la lutte contre la sédentarité les Sociétés Américaine de Cardiologie et de Médecine du Sport ont proposé en 2007 des recommandations, basées sur les preuves, pour la pratique de l’activité physique chez les sujets normaux âgés de plus de 65 ans et les malades chroniques ayant plus de 50 ans [10]. Chaque médecin doit prescrire ces recommandations aux malades chroniques en général au BPCO en particulier.
Le patient doit marcher 30 minutes par jour, 5 jours par semaine à une intensité modérée. S’il marche rapidement, la durée peut être ramenée à 20 min. L’intéressant c’est que cette activité peut être fractionnée, en ne descendant pas toutefois en dessous de 10 min. Par exemple le BPCO peut aller à son travail à pied, s’il est à environ 15 min, puis revenir dans les mêmes conditions, la totalité des 30 min est accomplie. Deux jours non consécutifs par semaine, intercalés entre les autres, le patient doit réaliser un renforcement musculaire avec, par exemple, des élastiques spécifiques ou des poids modérés. Il doit faire travailler 8 à 10 groupes musculaires (avant- bras, bras, épaules, quadriceps, droits et gauches…) en réalisant pour chaque groupe 10 à 15 répétitions. Lorsque les exercices deviennent trop faciles à réaliser on peut augmenter la tension sur l’élastique, les poids soulevés, voire faire une deuxième série de répétitions.
Dans le cadre de la prévention des chutes il faut également travailler l’équilibre ce qui est le cas avec la marche, mais on peut y ajouter 2 jours par semaine des exercices spécifiques comme par exemple marcher sur une ligne, faire des appuis mono podal… Il y a donc une activité physique journalière dont les mots clés sont qu’elle doit être modérée et régulière. Et pour l’éducation thérapeutique ? C’est évidemment plus délicat, cela peut se faire soit au cours d’une consultation, mais cela l’allonge de manière importante soit en groupe de patients. Le nombre de sujets abordés est alors limité, il faut faire l’indispensable, c’est à dire les items sécuritaires.
CONCLUSION
Seuls trois traitements généraux de la BPCO sont de niveau A en termes d’evidence-based médecine: le sevrage tabagique, l’oxygénothérapie de longue durée et la réhabilitation respiratoire (les bronchodilatateurs sont de niveau B). C’est dire si l’on doit insister sur la mise en place de programmes formels. Dans tous les cas le soignant doit au minimum donner et suivre l’application du conseil minimal en réhabilitation applicable par tous au moins en termes de reprise de l’activité physique.
CONFLIT D’INTERÊTS
Aucun.
REFERENCES
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ARTICLE INFO
DOI: 10.12699/jfvp.3.9.2012.15
Conflict of Interest
Non
Date of manuscript receiving
22/4/2012
Date of publication after correction
15/10/2012
Article citation
Prefaut C. Respiratory rehabilitation in chronic obstructive pulmonary disease (COPD). J Func Vent Pulm 2012;03(09):15-21.