Augmentation de l’incidence du cancer bronchopulmonaire chez les patients fumeurs ayant présenté une infection respiratoire basse: mythe ou réalité ?
Increase of lung cancer incidence in smoker patients with lower respiratory tract infection: myth or reality
C. Clément-Duchêne
Département de Pneumologie CHU Nancy - France
Corresponding author
Dr. Christelle CLEMENT-DUCHÊNE.
Département de Pneumologie. CHU Nancy, France
E-mail: christelle.clementduchene@gmail.com
EDITORIAL
Le cancer broncho-pulmonaire est actuellement un problème de santé publique de part sa fréquence, son incidence et sa mortalité. En 2008, au niveau mondial, le cancer bronchique représentait 13 % des cas de cancers (1,6 million) et 18 % des décès (1,44 million) [1]. Chez l’homme, le cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer et chez la femme, son incidence ne cesse d’augmenter [2]. Aussi son pronostic reste sombre avec une survie à 5 ans inférieure à 15 % tous stades confondus [2].
Le tabagisme actif est responsable de 90 % des cancers bronchiques chez les hommes et de 60 % chez les femmes, du fait d’une consommation tabagique différente, les femmes fument moins que les hommes et ont peut-être une susceptibilité différente [3]. Chez les non-fumeurs, le tabagisme passif est responsable de 10 % des cancers bronchiques chez les hommes et 20 % chez les femmes [4].
Actuellement, aucun dépistage n’est prouvé efficace (scanner thoracique, fibroscopie bronchique) comme pour le cancer du sein, de la prostate ou du colon, sauf pour les populations à risque comme les patients gros fumeurs ou avec des antécédents néoplasiques [5]. Des essais ont été menés sur l’intérêt du scanner « low dose » dans des populations à risque et ont montré une réduction de mortalité du cancer bronchique [6]. Dans le même objectif, la fibroscopie bronchique en autofluorescence est une technique utilisée depuis plusieurs années dans le diagnostic endoscopique des lésions prénéoplasiques.
Son principe est fondé sur la différence de fluorescence entre tissus sains et pathologiques. Plusieurs études ont montré un intérêt grandissant pour cette technique dans le dépistage [7-9].
Lors du diagnostic de cancer bronchique, différents symptômes peuvent interpeller le clinicien comme l’apparition d’une pneumopathie non résolutive sous antibiotiques, récidivante ou d’autres symptômes respiratoires. Les principaux signes respiratoires sont la toux, la dyspnée, les douleurs thoraciques et les hémoptysies [10, 11]. La toux est présente dans 45 à 75 % des cas de cancer bronchique et est secondaire à l’obstruction bronchique, à l’existence d’une pneumonie ou d’une pleurésie [12]. La dyspnée est présente chez un tiers à la moitié des patients, secondaire à une obstruction, une pleurésie, une lymphangite, une péricardite ou une embolie pulmonaire [12]. Les hémoptysies représentent 19 à 29 % des cas [12]. Les douleurs thoraciques apparaissent dans 25 à 50 % des cas, par atteinte pariétale ou pleurale [12].
Dans cet article de Fontaine et al. [13], les auteurs se sont intéressés à la découverte d’un cancer bronchique et l’existence d’une pneumopathie préalable. Cette étude a inclus des patients fumeurs de plus de 50 ans ayant présenté une infection respiratoire basse en Nouvelle-Calédonie entre 1993 et 2010. Les auteurs ont inclus 100 patients, avec 85 % d’hommes, un âge moyen de 66 ans et 65 % de fumeurs actifs. Soixante six pourcents de patients ont été suivis et 4 cancers bronchiques diagnostiqués soit une Incidence de 6 % de cancer bronchique parmi cette population, sans différence avec la population de fumeurs en général. Les limites de cette étude étaient le nombre de patients, les données manquantes sur le tabagisme. L’avantage de cette étude était une population assez homogène.
Dans la littérature, le lien entre inflammation et cancer bronchique est bien établi et quelques études ont analysé ce lien entre infection respiratoire et cancer bronchique. Brenner et al. ont analysé le lien entre certaines pathologies respiratoires antérieures (BPCO, emphysème, pneumonie et tuberculose) et découverte d’un cancer bronchique. Cette étude a inclus 24 607 cas de cancer bronchique et 81 829 patients contrôles, en Europe et aux Etats-Unis, entre 1984 et 2011. Les résultats ont mis en évidence un lien entre ces pathologies respiratoires et le diagnostic de cancer bronchique (emphysème: Risque Relatif (RR)=2,44, BPCO: RR=1,47, tuberculose: RR=1,48, pneumonie: RR=1,57) [14]. Mortensen et al. ont étudié l’incidence du cancer bronchique chez des patients américains de plus de 65 ans, entre 2002 et 2007. Cette étude a inclus 40 744 patients hospitalisés pour pneumonie et 3 790 cancers bronchiques ont été diagnostiqués (9,2 %). Les antécédents de pathologies respiratoires étaient un facteur de risque de cancer bronchique [15].
Littman et al. ont inclus 17 698 hommes et femmes, avec un suivi de 9 ans. 1028 cancers bronchiques ont été diagnostiqués. Les antécédents de BPCO et d’emphysème étaient un facteur de risque de cancer bronchique (RR=1,29), avec une association plus importante chez les patients jeunes, les gros fumeurs et pour les tumeurs de type épidermoïde [16].
En conclusion, il semble exister une association entre infection respiratoire basse et cancer bronchique. Les cliniciens doivent être alertés devant toute infection respiratoire basse chez un patient fumeur et se poser la question de la place des examens complémentaires, scanner thoracique et/ou fibroscopie bronchique dans le dépistage du cancer bronchique dans les suites d’une infection respiratoire basse.
EDITORIAL
Le cancer broncho-pulmonaire est actuellement un problème de santé publique de part sa fréquence, son incidence et sa mortalité. En 2008, au niveau mondial, le cancer bronchique représentait 13 % des cas de cancers (1,6 million) et 18 % des décès (1,44 million) [1]. Chez l’homme, le cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer et chez la femme, son incidence ne cesse d’augmenter [2]. Aussi son pronostic reste sombre avec une survie à 5 ans inférieure à 15 % tous stades confondus [2].
Le tabagisme actif est responsable de 90 % des cancers bronchiques chez les hommes et de 60 % chez les femmes, du fait d’une consommation tabagique différente, les femmes fument moins que les hommes et ont peut-être une susceptibilité différente [3]. Chez les non-fumeurs, le tabagisme passif est responsable de 10 % des cancers bronchiques chez les hommes et 20 % chez les femmes [4].
Actuellement, aucun dépistage n’est prouvé efficace (scanner thoracique, fibroscopie bronchique) comme pour le cancer du sein, de la prostate ou du colon, sauf pour les populations à risque comme les patients gros fumeurs ou avec des antécédents néoplasiques [5]. Des essais ont été menés sur l’intérêt du scanner « low dose » dans des populations à risque et ont montré une réduction de mortalité du cancer bronchique [6]. Dans le même objectif, la fibroscopie bronchique en autofluorescence est une technique utilisée depuis plusieurs années dans le diagnostic endoscopique des lésions prénéoplasiques.
Son principe est fondé sur la différence de fluorescence entre tissus sains et pathologiques. Plusieurs études ont montré un intérêt grandissant pour cette technique dans le dépistage [7-9].
Lors du diagnostic de cancer bronchique, différents symptômes peuvent interpeller le clinicien comme l’apparition d’une pneumopathie non résolutive sous antibiotiques, récidivante ou d’autres symptômes respiratoires. Les principaux signes respiratoires sont la toux, la dyspnée, les douleurs thoraciques et les hémoptysies [10, 11]. La toux est présente dans 45 à 75 % des cas de cancer bronchique et est secondaire à l’obstruction bronchique, à l’existence d’une pneumonie ou d’une pleurésie [12]. La dyspnée est présente chez un tiers à la moitié des patients, secondaire à une obstruction, une pleurésie, une lymphangite, une péricardite ou une embolie pulmonaire [12]. Les hémoptysies représentent 19 à 29 % des cas [12]. Les douleurs thoraciques apparaissent dans 25 à 50 % des cas, par atteinte pariétale ou pleurale [12].
Dans cet article de Fontaine et al. [13], les auteurs se sont intéressés à la découverte d’un cancer bronchique et l’existence d’une pneumopathie préalable. Cette étude a inclus des patients fumeurs de plus de 50 ans ayant présenté une infection respiratoire basse en Nouvelle-Calédonie entre 1993 et 2010. Les auteurs ont inclus 100 patients, avec 85 % d’hommes, un âge moyen de 66 ans et 65 % de fumeurs actifs. Soixante six pourcents de patients ont été suivis et 4 cancers bronchiques diagnostiqués soit une Incidence de 6 % de cancer bronchique parmi cette population, sans différence avec la population de fumeurs en général. Les limites de cette étude étaient le nombre de patients, les données manquantes sur le tabagisme. L’avantage de cette étude était une population assez homogène.
Dans la littérature, le lien entre inflammation et cancer bronchique est bien établi et quelques études ont analysé ce lien entre infection respiratoire et cancer bronchique. Brenner et al. ont analysé le lien entre certaines pathologies respiratoires antérieures (BPCO, emphysème, pneumonie et tuberculose) et découverte d’un cancer bronchique. Cette étude a inclus 24 607 cas de cancer bronchique et 81 829 patients contrôles, en Europe et aux Etats-Unis, entre 1984 et 2011. Les résultats ont mis en évidence un lien entre ces pathologies respiratoires et le diagnostic de cancer bronchique (emphysème: Risque Relatif (RR)=2,44, BPCO: RR=1,47, tuberculose: RR=1,48, pneumonie: RR=1,57) [14]. Mortensen et al. ont étudié l’incidence du cancer bronchique chez des patients américains de plus de 65 ans, entre 2002 et 2007. Cette étude a inclus 40 744 patients hospitalisés pour pneumonie et 3 790 cancers bronchiques ont été diagnostiqués (9,2 %). Les antécédents de pathologies respiratoires étaient un facteur de risque de cancer bronchique [15].
Littman et al. ont inclus 17 698 hommes et femmes, avec un suivi de 9 ans. 1028 cancers bronchiques ont été diagnostiqués. Les antécédents de BPCO et d’emphysème étaient un facteur de risque de cancer bronchique (RR=1,29), avec une association plus importante chez les patients jeunes, les gros fumeurs et pour les tumeurs de type épidermoïde [16].
En conclusion, il semble exister une association entre infection respiratoire basse et cancer bronchique. Les cliniciens doivent être alertés devant toute infection respiratoire basse chez un patient fumeur et se poser la question de la place des examens complémentaires, scanner thoracique et/ou fibroscopie bronchique dans le dépistage du cancer bronchique dans les suites d’une infection respiratoire basse.
CONFLIT D’INTERETS
Aucun.
REFERENCES
1. Jemal, A., et al., Global cancer statistics. CA Cancer J Clin, 2011. 61(2): 69-90.
2. Alberg, A.J., J.G. Ford, and J.M. Samet, Epidemiology of lung cancer: ACCP evidence-based clinical practice guidelines (2nd edition). Chest, 2007. 132(3 Suppl): 29S-55S.
3. Sun, S., J.H. Schiller, and A.F. Gazdar, Lung cancer in never smokers--a different disease. Nat Rev Cancer, 2007. 7 (10): 778-90.
4. Bryant, A. and R.J. Cerfolio, Differences in epidemiology, histology, and survival between cigarette smokers and neversmokers who develop nonsmall cell lung cancer. Chest, 2007. 132(1): 185-92.
5. Clement-Duchene, C., et al., [Protocols for lung cancer screening: Limitations, and consequences]. Rev Mal Respir, 2010. 27(4): 314-28.
6. Park, Y.S., Lung cancer screening: subsequent evidences of national lung screening trial. Tuberc Respir Dis (Seoul), 2014. 77(2): 55-9.
7. Baba, M., et al., Cytological findings of pre-invasive bronchial lesions detected by light-induced fluorescence endoscopy in a lung cancer screening system. Oncol Rep, 2007. 17 (3): 579-83.
8. Lam, S., et al., Localization of bronchial intraepithelial neoplastic lesions by fluorescence bronchoscopy. Chest, 1998. 113(3): 696-702.
9. Petty, T.L., The early identification of lung carcinoma by sputum cytology. Cancer, 2000. 89(11 Suppl): 2461-4.
10. Buccheri, G. and D. Ferrigno, Lung cancer: clinical presentation and specialist referral time. Eur Respir J, 2004. 24 (6): 898-904.
11. Hamilton, W., et al., What are the clinical features of lung cancer before the diagnosis is made? A population based case -control study. Thorax, 2005. 60(12): 1059-65.
12. Patel, A.M. and S.G. Peters, Clinical manifestations of lung cancer. Mayo Clin Proc, 1993. 68(3): 273-7.
13. Fontaine E, Baroux N, Gervolino S, Birolleau S. Increase of lung cancer incidence in smoker patients with lower respiratory tract infection: myth or reality. J Fran Viet Pneu 2014; 5(15): 20-28.
14. Brenner, D.R., et al., Previous lung diseases and lung cancer risk: a pooled analysis from the International Lung Cancer Consortium. Am J Epidemiol, 2012. 176(7): 573-85.
15. Mortensen, E.M., et al., Diagnosis of pulmonary malignancy after hospitalization for pneumonia. Am J Med, 2010. 123(1): 66-71.
16. Littman, A.J., et al., Prior lung disease and risk of lung cancer in a large prospective study. Cancer Causes Control, 2004. 15(8): 819-27.
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16. Littman, A.J., et al., Prior lung disease and risk of lung cancer in a large prospective study. Cancer Causes Control, 2004. 15(8): 819-27.
ARTICLE INFO
DOI: 10.12699/jfvp.5.15.2014.1
Conflict of Interest
Non
Date of manuscript receiving
16/7/2014
Date of publication after correction
15/8/2014
Article citation
Clément-Duchêne C. Increase of lung cancer incidence in smoker patients with lower respiratory tract infection: myth or reality. J Func Vent Pulm 2013;05(15):1-2.