Mucormycose pulmonaire disséminée d’évolution fatale
Disseminated pulmonary mucormycosis with fatal evolution
C. Duong-Ngo, O. Tess, E. Mbongo, I. Gouget, M. Grossin
Service d’Anatomie Pathologique, AP-HP Hôpital Universitaire Louis Mourier
Faculté de Médecine Denis Diderot. 178 Rue des Renouillers 92700 Colombes
Corresponding author
Dr. DUONG-NGO Carine
Service d’Anatomie Pathologique. AP-HP Hôpital Universitaire Louis Mourier
178 Rue des Renouillers 92700 Colombes
E-mail: carine2708@gmail.com
ABSTRACT
We report the case of a 75 years old patient hospitalized in intensive care for poor general condition, fever and dyspnea for 5 days.
CT scan revealed a right pulmonary hilar-mediastinal mass invading the pulmonary vessels and diffuse ground-glass opacity; splenic infarction and cerebral ischemic lesions suggestive of septic emboli.
Bacteriological examinations were not contributory. Only tracheal suctioning highlighted long bacillary and bifurcated forms on direct examination, suggestive of Nocardia which was not confirmed on cultures after prolonged incubation. The patient died two days later of septic shock with multiple organ failure. A post-mortem lung biopsy was performed.
Histological study showed infarcts located in the right lung and septic thrombosis. Vascular lumen were thrombosed, filled by numerous brown, large, nonseptate hyphae, sometimes branched at right angles sometimes bypassed, spontaneously stained with hematoxylin-eosin-saffron, and highlighted by the PAS staining and Grocott. The morphology and vascular tropism of these hyphae allowed the diagnosis of pulmonary mucormycosis complicated by multiple parenchymal infarcts.
The prognosis of mucormycosis is very poor and significant mortality implies to be able to recognize and treat them as early as possible to improve the chances of survival.
KEYWORDS: Mucormycosis, pulmonary mucormycosis, septic thrombosis, PAS, Grocott
RÉSUMÉ
Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 75 ans hospitalisée en réanimation pour altération de l’état général, fièvre et dyspnée depuis 5 jours.
L’angio-scanner révélait une masse pulmonaire médiastino-hilaire droite envahissant les vaisseaux pulmonaires et du verre dépoli diffus ; des infarctus spléniques et des lésions ischémiques cérébrales évoquant des emboles septiques. Les examens bactériologiques n’étaient pas contributifs. Seule une aspiration trachéale mettait en évidence, à l’examen direct, des formes bacillaires longues bifurquées évoquant une nocardia mais non confirmée en cultures après incubation prolongée. La patiente décédait deux jours plus tard d’un état de choc septique avec défaillance multiviscérale. Une biopsie pulmonaire post-mortem fut réalisée.
L’étude histologique mettait en évidence des infarctus localisés dans le poumon droit et des thromboses septiques. Les lumières vasculaires thrombosées étaient comblées par de multiples filaments mycéliens brunâtres, larges, de diamètre inégal, non septés, tantôt ramifiés à angle droit tantôt contournés, spontanément colorés par l’hématéine-éosine-safran, et mis en évidence par la coloration de PAS et Grocott. La morphologie des filaments et le tropisme vasculaire permettaient de porter le diagnostic de mucormycose pulmonaire compliquée de multiples infarctus parenchymateux.
MOTS CLES: Mucormycose, mucormycose pulmonaire, thrombose septique, PAS, Grocott
OBSERVATION CLINIQUE
Histoire clinique
Une patiente âgée de 75 ans était hospitalisée pour altération de l’état général, fièvre et dyspnée depuis 5 jours. Elle était suivie pour une myélodysplasie, traitée par transfusions itératives de globules rouges.
Examens complémentaires
Imagérie pulmonaire
La radiographie pulmonaire mettait en évidence une opacité de la base droite remontant jusqu’à la jonction 2/3 inférieur-1/3 supérieur.
L’angio-scanner révélait une masse pulmonaire médiastino-hilaire droite envahissant les vaisseaux pulmonaires et du verre dépoli diffus ; des infarctus spléniques et des lésions ischémiques cérébrales évoquant des emboles septiques.
Bilan biologique
Le bilan biologique montrait une hyperleucocytose, sans neutropénie, une thrombopénie et un syndrome inflammatoire.
Traitement et évolution
Un traitement antibactérien par Tazocilline + Ciflox et un traitement antifongique par Voriconazole ont été débutés.
La patiente fut transférée en réanimation pour choc septique.
• Les antigénuries legionella et pneumocoque étaient négatives.
• Un frottis sanguin normal avait permis d’éliminer une acutisation de la myélodysplasie.
• L’aspiration trachéale mettait en évidence, à l’examen direct, des formes bacillaires longues bifurquées qui ne prennent pas le Gram et se colorent faiblement au Ziehl, évoquant une nocardia mais non confirmée en cultures après incubation prolongée.
La patiente décédait deux jours plus tard d’un état de choc septique réfractaire avec défaillance multiviscérale.
Une biopsie pulmonaire post-mortem fut réalisée. L’examen direct ainsi que la culture du prélèvement post-mortem étaient négatifs.
DESCRIPTION HISTOLOGIQUE
L’étude histologique mettait en évidence de multiples foyers parenchymateux rougeâtres, denses, bien limités correspondant vraisemblablement à des infarctus localisés dans le poumon droit, une alvéolite fibrineuse exsudative diffuse et des thromboses septiques. Les lumières vasculaires thrombosées étaient comblées par de multiples filaments mycéliens brunâtres, larges, de diamètre inégal, non septés, tantôt ramifiés à angle droit tantôt contournés, s’étendant au parenchyme nécrosé adjacent. Ces structures filamenteuses, bien mises en évidences par l’hématéine-éosine-safran, étaient soulignées par la coloration de PAS et faiblement par le Grocott.
Elles n’étaient jamais colorées par le Ziehl ni le Gram. La morphologie des filaments et le tropisme vasculaire permettaient de porter le diagnostic de mucormycose pulmonaire compliquée de multiples infarctus parenchymateux.
DIAGNOSTIC PROPOSE
Mucormycose disséminée, à point de départ pulmonaire probable, compliquée de choc septique, défaillance multiviscérale puis décès.
DISCUSSION
Les mucormycoses sont des infections fongiques opportunistes rares survenant chez les immunodéprimés. Elles sont dues à des champignons filamenteux appartenant à la classe des Zygomycètes de type Mucorales. Ce sont des moisissures ubiquitaires retrouvées dans le sol, les matières végétales en décomposition et certains aliments. La contamination par les spores se fait habituellement par inhalation, plus rarement par ingestion ou inoculation transcutanée. Les formes disséminées sont le plus souvent fatales.
Les mécanismes physiopathologiques à l’origine de la survenue de cette mycose sont mal connus. Les polynucléaires neutrophiles et macrophages semblent jouer un rôle prépondérant. Le principal facteur de risque est l’immunodépression avec la neutropénie, les traitements immunosuppresseurs dont la corticothérapie et les hémopathies. L’acidocétose diabétique est également un facteur de risque majeur car l’acidose inhiberait les fonctions effectrices des polynucléaires neutrophiles et macrophages. Dans notre observation, la patiente ne présentait pas de neutropénie évidente mais était suivie pour une myélodysplasie, suggérant une probable diminution du chimiotactisme des polynucléaires neutrophiles ou de leurs fonctions effectrices à l’origine de la survenue de cette infection opportuniste.
Les localisations de Mucormycose décrites sont rhino-cérébrale, pulmonaire, cutanée, digestive, cérébrale et disséminée. Les manifestations cliniques sont habituellement frustres et non spécifiques.
Le diagnostic se fait alors sur l’examen direct mycologique et la culture, ainsi que sur l’examen anatomopathologique en montrant typiquement des filaments mycéliens larges, de diamètre variable, non septés, ramifiés à angle droit avec un angiotropisme entraînant la formation de thromboses septiques et d’infarctus tissulaires. Seule la culture permet l’identification de l’espèce.
Les difficultés de diagnostic d’une mucormycose sont nombreuses: absence de spécificité clinique ou radiologique, mauvaise sensibilité des cultures, distinction parfois difficile avec les autres champignons filamenteux et absence de diagnostic sérologique ou par PCR.
Ainsi le diagnostic de certitude repose le plus souvent sur des preuves anatomopathologiques, à partir de prélèvements invasifs, biopsiques ou chirurgicaux, expliquant le retard diagnostique, comme l’illustre notre cas.
Le principal simulateur de cette infection est l’aspergillose car elle survient sur le même terrain et dans les mêmes localisations. L’aspect des filaments permet de faire le diagnostic différentiel. Le Voriconazole, utilisé de plus en plus en hématologie à visée anti-aspergillaire, est inefficace contre les Mucorales.
Le pronostic des mucormycoses reste très péjoratif et leur mortalité importante impose de savoir les reconnaître et les traiter le plus précocement possible pour améliorer les chances de survie.
CONFLIT D’INTERÊTS
Aucun.
REFERENCES
1. Pipet a. Mucormycoses pulmonaires: difficulté diagnostiques et thérapeutiques. Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 617-21
2. Lagorge Pagès C. Mucormycose disséminée au cours du SIDA. Ann Pathol 2000, 20, n°4, p. 343-345.
FIGURES
REFERENCES
1. Pipet a. Mucormycoses pulmonaires: difficulté diagnostiques et thérapeutiques. Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 617-21
2. Lagorge Pagès C. Mucormycose disséminée au cours du SIDA. Ann Pathol 2000, 20, n°4, p. 343-345.
ARTICLE INFO
DOI: 10.12699/jfvp.3.9.2012.47
Conflict of Interest
Non
Date of manuscript receiving
23/11/2011
Date of publication after correction
16/10/2012
Article citation
Duong-Ngo C, Tess O, Mbongo E, Gouget I, Grossin M. Disseminated pulmonary mucormycosis with fatal evolution. J Func Vent Pulm 2012;03(09):47-50.