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  • REVIEW - JOURNAL OF FUNCTIONAL VENTILATION AND PULMONOLOGY. VOLUME 3 - ISSUE 6. 2012

    Last Updated: 30/08/2018

    Le cœur et les bronchopathies chroniques obstructives BPCO
    The heart and chronique obstructive pulmonary diseases - COPD
    P. Cuvillier1, C. Duong-Ngo2, S. Duong-Quy3

    1: Centre Hospitalier Denain, Polyclinique Vauban Valenciennes et Cabinet Médical Casanova Denain
    2: Faculté de Médecine Paris Descartes - France
    3: Service de Physiologie-Explorations Fonctionnelles. Hôpital Cochin - Paris

    Corresponding author
    Dr Patrice CUVILLIER
    Centre Hospitalier Denain. 59220 Denain Cedex, France
    E-mail: patrice.cuvillier@sfr.fr

    DOI: 10.12699/jfvp.3.6.2012.20

     

    ABSTRACT

    The cardiologist is often asked to find out a cardiac involvement in case of increased dyspnea in respiratory failure.
    The appreciation of the right cardiac repercussions ("chronic pulmonary heart disease" for the classical concept, and "pulmonary hypertension" for the modern concept) is difficult. However, its estimate is crucial because it marks a milestone in the development of respiratory disease and as a condition to establish the specific treatments.
    Pulmonary hypertension (PH) is a complex disease with poor prognosis. In current recommendation, PH is classed in five groups and one subgroup. In group 3, PH associated with chronic obstructive pulmonary disease (COPD) is a common form. It is associated with a high mortality due to right ventricular dysfunction. The specific pharmacology treatment is proposed principally to patients in group 1. In the treatment of PH, realization of registry, early diagnosis, and improved functional class are the main objectives.

    KEYWORDS: COPD, pulmonary hypertension, right heart, right heart catheterism, vascular remodelling

    RÉSUMÉ

    Le cardiologue est souvent sollicité pour rechercher une participation cardiaque en cas de majoration de la dyspnée d'un insuffisant respiratoire.
    L'appréciation du retentissement cardiaque droit (« cœur pulmonaire chronique » des classiques et « hypertension pulmonaire » des modernes) est difficile, son estimation est pourtant primordiale puisqu'elle marque un tournant dans l'évolution de la maladie respiratoire et qu'elle conditionne l'instauration de thérapeutiques spécifiques.
    L’hypertension pulmonaire (HTP) est une pathologie complexe de pronostic sombre. Selon la recommandation actuelle, l’HTP est classée en cinq groupes et un sous groupe. Dans le groupe 3, l’HTP associée à la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une forme fréquente. Elle est associée à un taux élevé de mortalité dû au dysfonctionnement ventriculaire droit.
    Le traitement pharmacologique spécifique est principalement proposé aux patients du groupe 1. Dans la prise en charge de l’HTP, la réalisation d’un registre national, le diagnostic précoce et l’amélioration de la classe fonctionnelle sont les principaux objectifs. 

    MOTS CLES: BPCO, hypertension pulmonaire, cœur droit, cathétérisme cardiaque droit, remodelage vasculaire

     

    INTRODUCTION

    Le cardiologue est souvent sollicité pour rechercher une participation cardiaque en cas de majoration de la dyspnée d'un insuffisant respiratoire. L'appréciation du retentissement cardiaque droit (« cœur pulmonaire chronique » des classiques et « hypertension pulmonaire » des modernes) est difficile, son estimation est pourtant primordiale puisqu'elle marque un tournant dans l'évolution de la maladie respiratoire et qu'elle conditionne l'instauration de thérapeutiques spécifiques.

    Le cardiologue est aussi mis à contribution pour estimer l'état cardiaque d'un patient soumis à un certain nombre de facteurs de risque au premier rang desquels on retiendra le tabagisme et l'obésité. Les patients atteints de BPCO présentent en effet un risque élevé de maladies cardiovasculaires et notamment de pathologie coronarienne, d'hypertension artérielle et de troubles du rythme. Les mécanismes en cause sont multiples, les symptômes de la pathologie cardiaque sont parfois masqués par la maladie respiratoire et les effets des traitements respectifs des deux pathologies sont parfois contradictoires.

    Le pneumologue devrait être plus souvent interpelé par le cardiologue puisque la BPCO est un facteur aggravant des maladies cardiovasculaires et devrait être systématiquement recherchée lors de tout bilan cardiovasculaire chez les sujets à partir de 40 ans et ayant fumé plus de 10 paquets-années.

    LE RETENTISSEMENT CARDIAQUE DROIT DE LA BPCO - L'HYPERTENSION PULMONAIRE

    Définition
    L'hypertension pulmonaire (HTP) est habituellement définie par une élévation de la pression artérielle pulmonaire (PAP) moyenne au-delà de 25 mm Hg. Une valeur seuil plus basse à 20 mm Hg est communément retenue en cas de pathologie respiratoire chronique puisque toujours anormale dans ce contexte et correspond à 35 mm Hg de pression systolique.

    La prévalence de l'HTP comme complication d'une BPCO est mal connue mais pourrait atteindre 30% selon les séries et les méthodes d'évaluation.

    Mécanismes
    Cette HTP précapillaire s'explique par l'élévation des résistances vasculaires pulmonaires liée à la vasoconstriction hypoxique des petites artères et des artérioles pulmonaires et à des modifications structurales du lit vasculaire pulmonaire, le rôle de l’inflammation systémique est maintenant évoqué.

    Caractéristiques de l'HTP des BPCO
    Sa caractéristique principale est d'être modérée (20 à 35 mm Hg de PAP moyenne au repos). Ceci rend le diagnostic clinique difficile et l'apparition des signes droits est tardive, le diagnostic non invasif est aussi délicat.

    Certains patients présentent néanmoins une HTP disproportionnée où l'essoufflement est majeur et la PAP moyenne dépasse 35 mm Hg alors que les perturbations ventilatoires sont modérées. Le pronostic est rapidement défavorable.

    Le diagnostic clinique est souvent tardif et les signes peu spécifiques
    • La majoration de la dyspnée d'effort et la fatigue caractérisent bien plus la BPCO que l'HTP.
    • Les œdèmes des membres inférieurs ne sont pas spécifiques (ils peuvent témoigner d'une insuffisance ventriculaire droite mais sont souvent le reflet d'une rétention hydro-sodée d'origine hormonale et/ou rénale) et surviennent tardivement après l'apparition de l'HTP.
    • Même si ces signes sont souvent absents ou tardifs, il faut rechercher de principe en bon clinicien un reflux hépato-jugulaire, un signe de Harzer (perception d'un choc de pointe au creux épigastrique par hypertrophie du ventricule droit), un éclat de B2 au foyer pulmonaire, un murmure diastolique pulmonaire au foyer parasternal gauche et un souffle d'insuffisance tricuspidienne majoré en apnée postinspiratoire (signe de Rivero-Carvalho), une ascite.
    • Il faudra aussi garder à l'esprit et en période de dé compensation de la maladie respiratoire, l'éventualité d'une embolie pulmonaire (tachycardie, état de choc, une turgescence des jugulaires) et ne pas hésiter à demander les examens urgents spécifiques (scintigraphie pulmonaire de ventilation et de perfusion et/ou angio-scanner).

    Les examens complémentaires
    L'ECG est peu sensible
    • Hypertrophie ventriculaire droite avec R/S>1 en V1 et R/S< 1 en V6 (Figure 1).
    • Déviation axiale droite de QRS ; inversion de T en V1, V2 et V3 ; ondes P pulmonaires.
    • Onde P > 0,25 Mv en D2, D3 et aVF, axe de P > 75°, P bifide en V1 avec déflection positive > déflection négative (Figure 2).

    Radiographie pulmonaire
    • Augmentation du diamètre des artères pulmonaires.
    • Saillie de l'arc moyen gauche par HAD (Figure 3).

    L'échographie cardiaque
    De réalisation technique parfois difficile du fait de la distension pulmonaire, elle représente l'examen de choix (Figure 4).
    • En mode TM et bidimensionnel:
    - Dilatation de l'AP et de l'OD.
    - Dilatation et hypertrophie du VD.
    - Mouvement septal paradoxal.
    - Dilatation de la veine cave inférieure cinétique anormale de la valve pulmonaire.

    Echo doppler
    Elle permet la quantification de la PAP par deux techniques non exclusives:
    * Echo doppler continu sur régurgitation tricuspidienne et mesure de la vitesse maximal du jet:
    - Elle permet la mesure du gradient maximal de pression entre le VD et l'OD au cours de la systole en appliquant la loi de Bernoulli simplifiée à la vitesse maximale: PVD – POD = 4 x Vmax2

    - En l'absence de sténose pulmonaire, la pression systolique du VD est égale à la PAP systolique.

    - La POD est estimée au mieux par l'examen de la veine cave inférieure. En pratique, elle est souvent fixée à 5 mm Hg (10 mm Hg en cas d’insuffisance cardiaque droite).

    - La corrélation entre la PAP systolique mesurée en échographie et la PAP mesurée par cathétérisme est bonne surtout si ses valeurs sont élevées.

    - Elle est inutilisable en l'absence de fuite tricuspide (20 à 30% des cas) et les valeurs sont majorées de l'ordre de 5 à 10 mm Hg, ce qui pose bien sûr problème pour les valeurs limites.

    * Echo doppler pulsé et mesure de la vélocité du flux systolique à travers l'artère pulmonaire et mesure du temps d'accélération dans le tronc de l'AP (Figure 5).

    L’échocardiographie permettra aussi l’appréciation de la fonction ventriculaire gauche, la recherche de valvulopathies et la détection d'une réouverture de foramen ovale perméable en cas d'hypoxémie réfractaire (Figure 6).

    Autres éléments du diagnostic
    • Le dosage du peptide natriurétique de type B (BNP) est très utile pour suspecter une participation cardiaque en cas de majoration de dyspnée chez un patient porteur d'une BPCO. Précisons que l'élévation est liée à l'augmentation des contraintes pariétales ventriculaires, qu'elle n'est pas spécifique d'une participation ventriculaire gauche et qu'elle peut se rencontrer en cas d'embolie pulmonaire. Il faut aussi éviter de poser le diagnostic sur une seule valeur élevée, l'obtention d'un taux de référence est important.

    • La scintigraphie pulmonaire est indiquée en cas de suspicion d'embolie pulmonaire de même que l' angioscan pulmonaire.

    • Les enregistrements polysomnographiques sont utiles à la recherche d'une hypoventilation nocturne ou d'une apnée du sommeil en cas d'HTP avec un bilan de base peu perturbé.

    • Le cathétérisme cardiaque droit était la technique de référence avant l'avènement de l'échocardiographie pour la détection et la quantification des hypertensions pulmonaires dans les BPCO ; il reste indiqué:
    - Pour conforter le diagnostic de CPC (cœur pulmonaire chronique) post-embolique.
    - Pour évaluer le retentissement cardiaque droit d'une pathologie du cœur gauche.
    - En cas de discordance des symptômes entre une clinique très altérée et des PAP peu élevées en échocardiographie ou à l'inverse en cas d'HTP disproportionnée avant pneumonectomie s'il y a indication.

    Evolution et pronostic L'évolution de l'HTP des BPCO est lente et corrélée aux valeurs de PaO2, d'où le rôle favorable d'une oxygénothérapie de longue durée dans l'amélioration ou du moins la stabilisation des valeurs de PAP.

    La survenue d'une insuffisance cardiaque droite marque un tournant dans l'histoire naturelle de la BPCO et avait un pronostic péjoratif qui est remis en cause actuellement depuis la prescription à large échelle d'une oxygénothérapie pour des PaO2 < 55 60 mm Hg.

    Le pronostic reste néanmoins sombre en cas d'HTP sévère, éventualité rare dans les BPCO. La PAP est un bon indicateur pronostique dans les BPCO sous O2.

    Traitement
    Le traitement optimal de l'affection causale est bien sûr primordial:
    - Sevrage tabagique. - Perte de poids.
    - Activités physiques adaptées et réduites.
    - Bronchodilatateurs.
    - Anti-inflammatoires inhalés.
    Le traitement de l'HTP repose sur l'oxygénothérapie de longue durée (prolongée et au moins 16 h/24) qui permet de lever la vasoconstriction pulmonaire hypoxique et agit sur les altérations morphologiques de la circulation pulmonaire distale.

    L'insuffisance ventriculaire droite est du ressort d'un régime hyposodé et des diurétiques (de l'anse et/ou épargneurs potassiques).

    Les digitaliques n'ont leurs places qu'en cas de fibrillation auriculaire à réponse ventriculaire rapide et doivent être utilisés avec précaution en cas d'hypoxie sévère, ce qui est souvent le cas dans ce contexte.

    Les anticoagulants sont indiqués en cas d'embolie pulmonaire associée ou de fibrillation auriculaire.

    Les vasodilatateurs utilisés habituellement dans le traitement de l'insuffisance ventriculaire gauche n'ont pas d'indication dans le traitement de l'HTP des BPCO et peuvent même aggraver les conditions hémodynamiques par désamorçage du cœur gauche sur un barrage pulmonaire.

    Les nouveaux agents vasodilatateurs et antiproliférants du traitement de l'HTP primitive pourraient avoir un effet bénéfique dans l'HTP des BPCO surtout dans les formes sévères mais peu d'études randomisées sont disponibles.

    PATHOLOGIES DU CŒUR GAUCHE ET BPCO

    Les patients atteints de BPCO présentent un risque élevé de maladies cardiovasculaires. Certaines sont directement en rapport avec la maladie respiratoire (en raison de la surcharge de pression dans les cavités cardiaques droites) et d'autres en rapport indirect (modifications de besoins et des apports en O2, facteurs de risque communs, terrain débilitant, effets néfastes des thérapeutiques).

    Le retentissement sur le ventricule gauche de l' élévation des pressions droites
    L'HTP induit des altérations géométriques dans le VD et empiète sur la géométrie et le remplissage du VG. C'est ainsi que le remplissage du VG est altéré précocement dans la diastole par les anomalies de la cinétique septale qui peut devenir paradoxale.

    Le remodelage ventriculaire gauche est aussi directement altéré par les modifications des pressions endothoraciques en particulier pleurales, d'où dysfonction de remplissage et dysfonction systolique induite.

    La conséquence en est que le maniement des vasodilatateurs devra être particulièrement méticuleux.

    La maladie coronarienne
    La BPCO constitue un facteur de risque important d'athérosclérose (multiplication par 2 ou 3), le rôle d'une inflammation systémique est suggéré avec l'effet nocif de la fumée de cigarettes et le rôle bénéfique des statines. La fréquence des syndromes métaboliques accroît aussi le risque de pathologie coronarienne associée.

    Les mécanismes sont multiples
    • Augmentation des besoins en O2: tachycardie liée à l'hypoxémie et/ou secondaire aux β- stimulants.
    • Réduction des apports en O2 du fait de l'hypoxémie.
    • Le terrain à risque commun.

    Le diagnostic est difficile et la clinique souvent pauvre noyée dans la symptomatologie respiratoire. C'est ainsi que l'angor est rare et se traduit souvent par de la dyspnée ou par une apnée d'effort.

    L'arsenal diagnostique complet devra être déployé
    • Modifications de la repolarisation sur l'ECG de repos.
    • Les tests d'effort seront de réalisation difficile compte-tenu de la dyspnée.
    • L'échographie cardiaque de repos pourra orienter en cas d'altérations de la cinétique régionale.
    • La scintigraphie myocardique est limitée par les capacités à l'effort du patient et sa sensibilisation médicamenteuse (dipyridamole) est en principe contre-indiquée en cas d'asthme associé.
    • L'échocardiographie de stress sous dobutamine est l'examen non invasif de référence.
    • La coronarographie devra être couplée à un test fonctionnel pour une bonne interprétation et affirmer le caractère ischémiant d'une sténose coronaire.

    S'il est commun de rechercher une pathologique cardiaque (coronaire en particulier) chez les bronchopathes fumeurs actifs ou abstinents, la recherche d'un BPCO, reconnu comme facteur de risque à part entière, devrait être systématique chez les patients de plus de 40 ans et dont le tabagisme cumulé dépasse les 10 paquets-années.

    Le traitement de la pathologie coronaire est classique (β-bloquant, antiagrégants plaquettaires, statine, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, correction des facteurs de risque, oméga 3) +/- revascularisation coronaire par endoprothèse ou chirurgicale par pontage.

    Un consensus entre cardiologues et pneumologues s'est dégagé pour l'utilisation des β-bloquants (traitement instauré en période respiratoire stable, βbloquant cardiosélectif initié à faibles doses et à posologie progressivement croissante).

    L'insuffisance cardiaque gauche parfois constatée est plurifactorielle
    • Altérations de la géométrie du VG notifiées plus haut.
    • Participation ischémique pouvant aller jusqu'à la nécrose myocardique.
    •  Effet délétère de l'alcool.
    • Eclosion de pathologies valvulaires en particulier aortiques chez des patients âgés (dont le traitement sera très délicat sur ces terrains de BPCO – le TAVI (valve aortique percutanée) est une alternative séduisante).

    Les troubles du rythme
    S'il est admis que la fréquence des arythmies chez les patients porteurs d'une BPCO est grande, la prévalence exacte varie d'une étude à l'autre selon les critères sélectionnés et les méthodes utilisées.

    Les arythmies supraventriculaires sont fréquentes en période de déstabilisation de la maladie respiratoire et sont sources de poussée d'insuffisance cardiaque sur un cœur déjà fragilisé. On peut retrouver une tachycardie sinusale, une fibrillation auriculaire, une tachycardie atriale multifocale...

    Il semblerait que les troubles du rythme ventriculaire soient plus fréquemment rencontrés chez les patients stables.
    Plusieurs facteurs sont à l'origine des arythmies
    • L'hypoxémie en particulier nocturne avec bonne corrélation avec les épisodes de désaturation.
    • Les déséquilibres acido-basiques et ioniques.
    • Le rôle controversé des médications à visée respiratoire: β2 agonistes, xanthiques.
    • La présence d'une maladie coronaire et/ou d'un CPC.

    Le traitement fait appel aux antiarythmiques classiques (β-bloquant avec les mêmes réserves qu'émises plus haut, amiodarone, flécaïnide) ou aux techniques de radiofréquence. La prudence est toujours de mise sur ces terrains très sensibles.

    ACTUALITE DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’HTP CHEZ LES PATIENTS ATTEINTS DE BPCO

    L’atteinte vasculaire plus sévère que l’atteinte bronchique
    Classée dans le groupe 3 de la recommandation, l’hypertension pulmonaire (HTP) associée à la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une des formes les plus fréquentes. Elle est associée à un taux élevé de mortalité et une survie moyenne diminuée.

    La prévalence de l’HTP chez les patients atteints de BPCO est très variée, estimée entre 30% et 70% selon les études. Il s’agit d’HTP légère et modérée chez la plupart des patients BPCO mais aussi d’HTP très sévère et disproportionnée par rapport à l’obstruction des voies aériennes chez les autres patients. Cependant, en raison de l’absence d’étude réalisée à large échelle, la prévalence exacte de l’HTP chez les patients atteints de BPCO reste à être déterminée dans l’avenir.

    Chez les BPCO post-tabagiques, la pathogénèse et la physiopathologie de l’HTP est très complexe. Elles impliquent plusieurs voies de signalisation intra- et extracellulaires médiées à la fois par l’effet direct de la fumée de cigarettes et par l’hypoxie alvéolaire. En conséquence, l’atteinte vasculaire pulmonaire dans la BPCO est marquée par le dysfonctionnement endothélial au stade précoce et la vasoconstriction hypoxique associée au remodelage vasculaire excessif au stade avancé.

    Le remodelage vasculaire pulmonaire est caractérisé par l’hypertrophie de la paroi vasculaire avec obstruction de la lumière et l’hyper-muscularisation des artérioles (Figure 7A-B). 

    Il est bien démontré que les patients BPCO avec HTP ont une limitation de la capacité fonctionnelle au repos et à l’effort plus importante que ceux sans HTP associée. Ainsi, la détection précoce de l’HTP est indispensable dans la prise en charge des patients BPCO. En effet, chez ces patients, l’HTP est suspectée devant une détérioration inexpliquée de la capacité fonctionnelle et de la dyspnée malgré une stabilité de la sévérité de l’obstruction bronchique. En cas de suspicion clinique d’une HTP chez les patients BPCO, le recours à des examens complémentaires est nécessaire.

    Dans le bilan des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR), en dehors du trouble ventilatoire obstructif confirmé par la spirométrie, une diminution importante de la capacité de la diffusion du monoxyde carbone (DLCO) associée à une hypoxémie au repos est un argument en faveur de l’HTP. Le scanner thoracique apporte aussi des signes indirects d’HTP, en dehors des lésions typiques de la BPCO, grâce à la mesure du diamètre du tronc artériel pulmonaire. Malgré sa faible sensibilité et spécificité dans la détection de l’HTP, en particulier de l’HTP associée à la BPCO, l’échocardiographie reste un examen nécessaire à faire avant la réalisation du cathétérisme cardiaque droit (CCD), un examen invasif qui permettra de confirmer l’HTP. Cependant, il doit être réalisé à distance des épisodes d’exacerbation.

    Une fois l’HTP confirmée chez les BPCO, une stratégie thérapeutique optimale doit être élaborée, associant le traitement spécifique de l’HTP à celui de la BPCO. Elle comprend le sevrage du tabac, la réhabilitation respiratoire, les bronchodilatateurs, l’oxygénothérapie à longue durée (OLD), et le traitement vasodilatateur spécifique de l’HTP. Il est démontré que l’OLD est le seul traitement efficace dans la limitation de la progression de l’HTP chez les BPCO. Elle est recommandée préférentiellement chez les patients ayant une désaturation nocturne et à l’effort.

    Le traitement pharmacologique spécifique de l’HTP est réservé aux patients BPCO avec une HTP sévère et disproportionnée (pression artérielle pulmonaire moyenne: PAPm > 40 – 45 mmHg). L’utilisation des vasodilatateurs classiques tels que les calciums bloquants, l’hydralazine et les nitrates est déconseillée à cause de leurs effets indésirables sur l’hémodynamique.

    Des études récentes ont montré des résultats en faveur de l’effet bénéfique à court terme des agents vasodilatateurs spécifiques utilisés dans le traitement de l’HTP tels que les antagonistes des récepteurs de l’endothéline-1 (ET-1), les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (PDE-5) ainsi que les analogues de la prostaglandine sur la capacité fonctionnelle. Cependant, l’effet bénéfique de ces molécules sur la survie moyenne des patients BPCO avec l’HTP reste à prouver.

    Etant donné le nombre de patients atteints de BPCO ne cessant d’augmenter et la haute prévalence de l’HTP retrouvée dans cette population, le dépistage précoce de l’HTP chez les BPCO est nécessaire dans la prise en charge de cette maladie. Elle permettrait de mettre en œuvre un programme thérapeutique adapté ciblant à la fois les atteintes des voies aériennes, les lésions vasculaires et systémiques de la BPCO. 

    Traitement de l’HTP associée à la BPCO: quelle est la place de la statine?
    Des études récentes ont montré que la statine, l’inhibiteur de l’HMG-CoA reductase, a des effets bénéfiques chez les patients atteints de BPCO. Les études précédentes ont montré que la statine pouvait diminuer la fréquence des exacerbations, le déclin du VEMS (volume expiratoire maximal dans une seconde) et la mortalité ainsi que la prévalence du cancer chez les patients BPCO. L’efficacité de la statine dans le traitement de l’HTP a été confirmée récemment dans le modèle expérimental. Cependant, son rôle dans le traitement de l’HTP associée à la BPCO n’est pas encore confirmé.

    En dehors de son indication thérapeutique dans l’ hypercholestérolémie, la statine a aussi des effets bénéfiques dans la prévention des maladies cardiovasculaires. Ces effets sont liés à son rôle dans la modulation du fonctionnement endothélial, dans l’inflammation vasculaire, la prolifération des cellules musculaires lisses, et l’activité des cellules souches endothéliales. Cependant, le mécanisme exact de cet effet pléïotropique de la statine n’a pas encore été clarifié. Il est suggéré qu’il pourrait être lié au rôle de la statine dans la régulation négative de l’activité de la voie de signalisation GTP-RhoA/Rhokinase.

    L’effet bénéfique de la statine chez les patients atteints d’HTP a été démontré pour la première fois par Kao. Dans cette étude, 16 patients (classe fonctionnelle de l’OMS : I : n = 2 ; II : n = 4 ; III : n = 3 ; IV : n = 7) recevaient la simvastatine à dose de 20 - 80 mg/jour pour une durée de 4 – 41 mois. Le résultat final montrait que la simvastatine améliorait la distance de marche, le débit cardiaque et la pression systolique du ventricule droit par rapport à la valeur de base. L’auteur concluait que la simvastatine pouvait ralentir la progression de l’HTP et améliorer la survie des patients au stade IV. Cependant, cette étude était une étude d’observation des cas, non randomisée et comportait des biais liés à la faible puissance et l’absence de groupe contrôle.

    L’effet de la statine dans le traitement de l’HTP chez les patients atteints de BPCO a aussi été étudié. Dans une étude en double-aveugle et randomisée chez 53 patients BPCO avec HTP, Lee et al. ont montré que le traitement par la pravastatine (40 mg/jour) pendant 6 mois améliorait la capacité fonctionnelle, la dyspnée à l’effort et la PAP. Selon les auteurs, l’effet bénéfique de la pravastatine chez ces patients était lié à l’inhibition du système de l’endothéline-1 (ET1). Cependant, dans cette étude, la PAP était évaluée par l’échocardiographie et non par le cathétérisme cardiaque droit.

    D’un point de vue physiopathologique, il est démontré que l’interleukine-6 (IL-6), le médiateur de l’ inflammation et du remodelage impliqué dans la BPCO, intervient dans la pathogenèse de l’HTP associée à la BPCO. Chez les patients BPCO traités par la statine, il y avait une amélioration significative de la tolérance à l’effort. Ce phénomène était expliqué par l’effet de la statine dans la diminution de la concentration de l’IL-6. L’IL-6 est connu pour son rôle dans l’altération de la fonction et de la contraction des muscles squelettiques.

    Récemment, Chaouat et al. ont montré que la concentration de l’IL-6 a été augmentée chez les BPCO avec HTP (148 patients) par rapport aux sujets contrôles (180 sujets). En effet, il y avait une corrélation significative entre la concentration plasmatique de l’IL-6 et la PAPm (r = 0,39 ; p < 0,001).

    Les résultats préliminaires de ces études permet- -traient aux cliniciens de réaliser des essais cliniques sur la statine dans le traitement de l’HTP associée à la BPCO.

    CONCLUSIONS

    On retiendra la fréquence des comorbidités cardiovasculaires chez les patients porteurs d'une BPCO, les difficultés du diagnostic et des traitements, la nécessité d'une prise en charge précoce et donc d'une collaboration étroite entre pneumologues et cardiologues comme en témoigne modestement la participation de votre serviteur aux activités de l'Association Franco-Vietnamienne de Pneumologie (AFVP). 

    CONFLIT D’INTERETS

    Aucun.

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    ARTICLE INFO

    DOI: 10.12699/jfvp.3.6.2012.20

    Conflict of Interest
    Non

    Date of manuscript receiving
    18/9/2011

    Date of publication after correction
    15/01/2012


    Article citation 
    Cuvillier P, Duong-Ngo C,  Duong-Quy S. The heart and chronique obstructive pulmonary diseases - COPD. J Func Vent Pulm 2012;03(06):20-27.