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  • ORIGINAL RESEARCH - JOURNAL OF FUNCTIONAL VENTILATION AND PULMONOLOGY. VOLUME 2 - ISSUE 3.2011

    Last Updated: 31/08/2018

    Etude des pneumonies bactériennes communautaires aiguës survenues lors de l’épidémie de grippe A/H1N1v en Nouvelle-Calédonie
    Study of community bacterial pneumonia occured at the A/H1N1v flu pandemic in New-Caledonia
    S. Birolleau 1, S. Laumond 2

    1: Service de Pneumologie, CHT Gaston Bourret, Nouméa
    2: DASS, Service d’Epidémiologie et de Santé Publique, Nouvelle-Calédonie

    Corresponding author
    Dr Sophie BIROLLEAU
    Service de Pneumologie, CHT Gaston Bourret, Nouméa
    E-mail: birolleau@yahoo.fr

    DOI: 10.12699/jfvp.2.3.2011.59

     

    ABSTRACT

    Introduction. During the 2009 pandemic caused by viruses A/H1N1v, many cases of bacterial pneumonia superinfection were hospitalized. The present study describes the characteristics of these cases, then analyzed in subgroups of severe and non severe cases.
    Method. This is a retrospective epidemiological study of bacterial pneumonia occurred at a waning A/H1N1v between 26/06/2009 and 31/08/2009. The demographic, clinical, and biology data were analyzed. The study of the subgroup of severe cases was made ​​to try to identify risk factors associated with these cases.
    Results. 47 cases were selected with 9 severe patients (with saturation before the initial treatment less or equal of 90% on room air). The presented cases had the banal demographic and biological characteristics. There are two particularities: a very large proportion of non Causasien patients, and the absence of isolated S. aureus. Severe cases were on average older, less frequently tobacco, with at least one co​​-morbidity and a non statistical significant trend in the absence of treatment with oseltamivir and antibiotics before admission.
    Conclusion. This study showed the data already known: young patients, not Caucasians, acquired co-morbidities, and having a classical microbiology for superinfections except as regards the absence of S. aureus. Severe cases showed classical risk factors and also a possible failure of prehospital treatment.

    KEYWORDS:  A/H1N1v flu, bacterial pneumonia superinfection

     RÉSUMÉ

    Introduction. Lors de la pandémie de 2009 due au virus A/H1N1v, de nombreux cas de pneumopathies bactériennes de surinfection ont été hospitalisés. L’étude présentée décrit les caractéristiques de ces cas, analysés ensuite en sous-groupes de cas graves et non graves.
    Méthode. Il s’agit d’une étude épidémiologique rétrospective des pneumonies bactériennes survenues au décours d’une grippe A/H1N1v, entre le 26/06/2009 et le 31/08/2009. Les caractéristiques démographiques, cliniques, biologiques ont été analysées, et une étude du sous-groupe des cas graves a été faite pour essayer d’identifier les facteurs de risque associés à ces cas graves.
    Résultats. 47 cas ont été retenus dont 9 graves (avec saturation à la prise en charge initiale inférieure ou égale à 90% en air ambiant). Les cas présentés ont des caractéristiques démographiques et biologiques banals. On observe deux particularités: une très grande proportion de patients non Causasiens, et l’absence de S. aureus isolés. Les cas graves étaient en moyenne plus âgés, moins souvent tabagiques, avec au moins une co-morbidité et une tendance non significative statistiquement à l’absence de traitement par oseltamivir et antibiothérapie avant l’hospitalisation.
    Conclusion. Cette étude a montré des données déjà connues: patients jeunes, non Caucasiens, présentant des co-morbidités, avec une microbiologie classique pour les surinfections sauf en ce qui concerne l’absence de S. aureus. Les cas graves présentaient des facteurs de risque classiques aussi et une possible insuffisance de traitement préhospitalier.

    MOTS CLES:  grippe A/H1N1v, pneumonies de surinfection bactériennes

     

    INTRODUCTION

    La grippe A/H1N1 a été déclarée par l’OMS comme pandémie au cours de l’année 2009. Cette infection virale causée par un virus grippal nouvellement muté a été décrite dans ses formes graves, et même mortelles. Mais aucune étude n’a étudiée de façon spécifique les cas de surinfections bactériennes parenchymateuses survenues sur ce terrain d’infection grippale.

    La Nouvelle-Calédonie a elle aussi été concernée par cette pandémie. De nombreux cas de grippe décompensant des insuffisances respiratoires chroniques ont été hospitalisés dans le service de pneumologie, mais aussi de nombreuses pneumopathies infectieuses bactériennes de surinfection. Ces cas ont été revus afin de chercher à en décrire les facteurs de risque, cliniques et paracliniques, de manière générale en premier lieu, puis selon la gravité clinique initiale.

    MATERIEL ET METHODES 

    Méthode de recueil
    Il s’agit d’une étude épidémiologique rétrospective descriptive des cas de pneumopathies bactériennes communautaires survenues au décours d’un syndrome grippal survenu pendant la période de pandémie grippale A/H1N1v s’étant déroulée entre juin et août 2009.

    Les critères d’inclusion étaient les suivants:

    • Un diagnostic certain de pneumonie aiguë: présence d'au moins un signe fonctionnel ou physique d' infection respiratoire basse (toux grasse, expectorations sales, dyspnée, douleur thoracique, râles crépitants ou souffle tubaire systématisé) associé à au moins un signe général (fièvre, frissons, asthénie marquée) et la présence d'opacité (s) alvéolaire (s) radiographiques d'apparition récente [1].
    • Acquise dans la communauté: aucun des patients inclus dans l’étude n’avait été hospitalisé au cours des 15 derniers jours avant le diagnostic [2].
    • Au cours ou au décours d'un épisode grippal présumé ou avéré d'origine A (H1N1): selon les recommandations émises par l’OMS à propos de la confirmation virologique.

    Rappels: un cas était défini comme confirmé jusqu’au 08 Juillet 2009 en cas de PCR positive. A partir du 09/07/2009, la recherche systématique de la preuve n’était plus recommandée, et un cas de grippe était considéré comme suspect dès lors qu’il y avait eu contact étroit dans les 7 jours précédents avec un cas confirmé ou avec une communauté où il existait des cas confirmés [3].

    • D'origine bactérienne: dans tous les cas, une recherche de documentation bactériologique a été faite soit par prélèvement d'origine respiratoire (examen cyto-bactériologique des crachats ou aspiration bronchique au cours d’une fibroscopie bronchique) soit par hémocultures.

    Lorsque la preuve était apportée, le cas était considéré comme confirmé d’origine bactérienne. Lorsque la preuve n’était pas apportée, l’origine bactérienne était retenue sur l’aspect radiographique évocateur [opacité (s) alvéolaires(s) unique ou multiple(s)], et l'évolution clinique, radiologique et biologique favorable après instauration d'une antibiothérapie probabiliste et l’absence de diagnostic différentiel initial.

    Si l’un des ces quatre critères manquait, le patient n’était pas inclus. Ont ainsi été exclus: les patients présentant une décompensation respiratoire fébrile sans lésion radiographique ou avec des images interstitielles évocatrices d’une atteinte respiratoire virale non surinfectée, et les patients ayant été hospitalisés ou institutionnalisés dans les 72 heures précédant la prise en charge dans le service de pneumologie.

    Les variables étudiées ont été
    • Socio-démographiques: âge, sexe, origine ethnique.
    • Cliniques: habitus tabagique, présence de co-morbidités, index de masse corporelle, délai moyen de jours entre le début des symptômes et la pneumonie infectieuse, spécificité médicamenteuse de la prise en charge pré-hospitalière (thérapie antivirale, antibiothérapie, corticothérapie), saturation en air ambiant à l’arrivée à l’hôpital mesurée par saturomètre pulsé ou gazométrie artérielle.
    • Paracliniques: taux sériques des polynucléaires neutrophiles (PNN), des lymphocytes, des β- HCG, des plaquettes, de la CRP, de la kaliémie, du taux de prothrombine (TP), et de l’identification microbiologique.

    Etude de sous-groupe 
    Pour affiner l’analyse des facteurs de risque de gravité de ces pneumopathies, nous avons choisi d’étudier un sous-groupe parmi les dossiers revus, composés des formes graves (FG) et les autres (formes non graves: FNG). Les FG ont été définies par un taux de saturation (artérielle ou pulsée) en air ambiant inférieur ou égal à 90% pour simplifier l’étude.
    Les variables étudiées ont été les mêmes pour ce sous-groupe (groupe 1). Elles ont ensuite été comparées aux variables des FNG (groupe 2).

    Analyses statistiques
    Les données ont été saisies au moyen du logiciel Excel et analysées au moyen du module Analysis du logiciel Epi Info version 604.Fr. Les variables qualitatives ont été comparées entre les deux groupes de cas (FG et FNG) moyen du Chi2 de Pearson, les variables quantitatives au moyen du test de Student, avec un seuil alpha de risque d’erreur de 1ère espèce égal à 5%.

    RESULTATS 

    Quarante-sept cas ont été retenus, répartis en 9 cas confirmés (PCR positive pour le virus) et 38 cas suspects et en 9 cas graves et 38 cas non graves.

    Données socio-démographiques 
    Age: l’âge était en moyenne de 44 ± 19 ans. 15% des patients avaient 70 ans et plus. 25% avaient moins de 30 ans. Dans le groupe 1, l’âge moyen était de 57 ± 16 ans. Dans le groupe 2, l’âge moyen était de 41 ± 16 ans. Cette différence est significative (p = 0,01).

    Sexe: en globalité, il y avait 51% d’hommes (H) et 49% de femmes (F). Dans le groupe 1, il y avait 67% d’H et 33% de F. Dans le groupe 2, il y avait 45% d’H et 55% de F. Cette différence n’était pas significative.

    Origine ethnique: parmi les patients hospitalisés, un patient était d’origine métropolitaine, quatre d’origine indonésienne. Tous les autres patients étaient d’origine mélanésienne ou polynésienne. Cette variable ayant d’emblée une répartition très caricaturale, elle n’a pas été retenue pour l’étude des sous – groupes.

    Données cliniques 
    - Habitus tabagique: 59,5% des patients étudiés étaient fumeurs (actifs ou sevrés). Et parmi eux, 48% étaient tabagiques actifs non sevrés. 40,5% n’avaient jamais fumé de manière active. Dans le groupe 1, on a trouvé 75% de fumeurs et 25% de non-fumeurs. Dans le groupe 2, on a trouvé 55,9% de fumeurs et 44,1% de non-fumeurs. Cette différence n’était pas significative.

    Co-morbidités: 36% des patients n’avaient pas de co-morbidité connue. Parmi les 64% qui avaient au moins une co-morbidité connue: pour 31% d’entre eux, il s’agissait d’un terrain cardio-vasculaire; pour 24% d’entre eux, il s’agissait d’un terrain respiratoire. Pour 38% d’entre eux, il s’agissait d’une co-morbidité autre et surtout: obésité, ou diabète.

    Dans le groupe 1, 100% des patients présentaient au moins une co-morbidité. Dans le groupe 2, 57% des patients présentaient une comorbidité et 43% n’avaient aucune morbidité. Cette différence était significative.

    Index de masse corporelle (IMC): le taux moyen d’IMC était de 32 ± 11 kg.m2. Dans le groupe 1, l’IMC moyen était de 41 ± 9 kg.m2. Dans le groupe 2, l’IMC moyen était de 30 ± 11 kg.m2. Cette différence n’était pas significative.

    Délai moyen observé entre le début des symptômes et la prise en charge hospitalière: en moyenne, ce délai était de 6 ± 3,7 jours (J), avec des extrêmes allant de 0 à 15 j. Dans le groupe 1, le délai était de 3,8 ± 2,5 J. Dans le groupe 2, le délai était de 5,3 ± 3,8 J. Cette différence n’était pas significative.

    Spécifité de la prise en charge médicamenteuse pré-hospitalière: 29% des patients avaient reçu de l’oseltamivir prescrit par leur médecin généraliste. 67% des patients avaient reçu une antibiothérapie préalable. Parmi eux, 25% (n=3) d’entre eux n’avaient pas une antibiothérapie conforme aux recommandations en infectiologie. 18% des patients étaient traités par corticothérapie, se répartissant en 9% de corticothérapie systémique et 9% de corticothérapie inhalée.

    Dans le groupe 1, 75% des patients avaient reçu de l’oseltamivir, 75% avaient reçu une antibiothérapie et aucun n’avait reçu de corticothérapie. Dans le groupe 2, 30% (n=11) avaient reçu de l’oseltamivir, 35% (n=13) avaient reçu une antibiothérapie, et 22% (n=8) avaient reçu une corticothérapie.

    Saturation en air ambiant (SaO2 ou SpO2): la saturation moyenne en air ambiant (AA) était de 92±6% à l’arrivée. Dans le groupe 1, elle était de 81±7% et dans le groupe 2, de 94 ± 3% (p<0,0001).

    Données paracliniques 
    Taux sérique de PNN: en moyenne, le taux de PNN était de 12 944 ± 9 669/mm3. Dans le groupe 1, ce taux était de 16 525 ± 11067/mm3, et dans le groupe 2 de 12 170 ± 9 326/mm3. Cette différence n’était pas significative.

    Taux sérique de lymphocytes: en moyenne, le taux des lymphocytes était de 1 361 ± 862/mm3. Dans le groupe 1, le taux était de 1 437 ± 817/mm3, et dans le groupe 2 de 1 345 ± 881/mm3. Cette différence n’était pas significative.

    Dosage plasmatique des β-HCG: aucun dosage de β-HCG n’est revenu positif.
    Taux des plaquettes circulantes: le taux de plaquettes circulantes était en moyenne de 230 ± 80 G/L. Dans le groupe 1, le taux était de 259 ± 50 G/L et dans le groupe 2, de 218 ± 84 G/L. Cette différence n’était pas significative.

    Kaliémie: en moyenne, la kaliémie était à 3,5 ± 0,5 mmol/L. Dans le groupe 1, elle était de 3,7 ± 0,5 mmol/L et dans le groupe 2, de 3,5 ± 0,5 mmol/L.

    Cette différence n’était pas significative.

    Taux sérique de la CRP: en moyenne, le taux de CRP mesuré était de 208 ± 158 mg. Dans le groupe 1, le taux moyen était de 192 ± 148 mg et dans le groupe 2, il était de 211 ± 161 mg. Cette différence n’était pas significative.

    TP: La valeur moyenne du TP était de 81 ± 16%. Dans le groupe 1, il était de 83 ± 16% et dans le groupe 2, de 81 ± 16%. Cette différence n’était pas significative.

    Documentation microbiologique: les bactéries identifiées ont été: S.pneumoniae (n=8), H. influenzae (n=6), A.baumanii ( n=2), B. catarrhalis (n=1), E.coli (n=1), S.gp pyogenes (n=1) et P.aeruginosa (n=1).

    DISCUSSION

    Le 11 juin 2009, quelques jours après le début de l’hiver austral, l’OMS déclarait l’état de pandémie à virus influenzae A/H1N1v. Le 26 juin 2009, à son tour, la Nouvelle–Calédonie est déclarée par les Autorités Sanitaires en état d’épidémie grippale.

    Durant les huit semaines d’épidémie, de nombreux cas de grippe, s’accompagnant de formes compliquées ou non, ont été recensés. Parmi les formes plus sévères, nécessitant une prise en charge hospitalière, certaines ont été admises dans le service de pneumologie du CHT G. Bourret pour surinfection bactérienne.

    Nous avons ainsi inclus 47 cas de patients ayant présenté au décours d’une grippe A suspectée ou confirmée une surinfection bactérienne communautaire aiguë (PFLA). Dans un premier temps, nous avons décrit tous les cas, puis fait une étude de sous–groupes pour mieux cerner les facteurs de risque des FG.

    En ce qui concerne l’âge
    En moyenne, les patients hospitalisés étaient âgés de 44 ans, ce qui est nettement plus élevé que l’âge moyen de la population générale qui est de 30 ans. Cependant, nous ne pouvons tirer aucune conclusion de cette comparaison puisque par choix, notre étude n’a pas concerné les enfants.

    En comparaison avec les études publiées sur la grippe A / H1N1v ayant pour sujets les patients adultes, comme celle publiée par Venkata C et al. [4], l’âge moyen est similaire (44 vs 46,9).

    Pour les patients atteints de forme grave, l’âge moyen était plus élevé (57 vs 41 ans). Dans la méta-analyse réalisée par Jaber et al. [5] portant sur les cas de grippe (confirmée, probable ou suspecte) ayant nécessité une hospitalisation en réanimation, l’âge se situait entre 29 et 44 ans. Mais cette méta-analyse a inclus des études intéressant les enfants.

    En ce qui concerne le sexe ratio 
    Dans la totalité de la population étudiée, le rapport H/F est celui de la population générale. Mais, dans le groupe 1, on note une tendance à une plus grande représentation des hommes, sans que cela ne soit significatif.

    En ce qui concerne l’origine ethnique
    Il a été observé une nette prédominance de patients mélanésiens ou polynésiens, originaires du Pacifique. Un seul patient d’origine métropolitaine a présenté une PFLA de surcroît une FG, mais il avait plus de 3 co-morbidités (obésité, terrain cardio-vasculaire, terrain respiratoire et diabète). Les quatre autres patients qui n’étaient ni mélanésiens, ni polynésiens étaient indonésiens, et donc aussi originaires de la Région Pacifique. Cette répartition n’est pas celle de la population vivant en Nouvelle-Calédonie où les habitants d’origine mélanésienne représentent 44% de la population et les habitants d’origine polynésienne représentent 9% de la population générale. Il y a donc une nette sur-représentation des populations originaires du Pacifique.

    En ce qui concerne les Indonésiens, ils représentent 2,5% de la population. Ils sont donc eux aussi proportionnellement nettement sur-représentés dans la population étudiée. Cette répartition ne s’explique par aucun critère évident: il ne s’agit pas d’une différence de catégorie socio-professionnelle, ni d’une différence d’accès aux soins. Au moment du début de la pandémie en Nouvelle–Calédonie, le traitement antiviral était distribué de façon gratuite sans distinction à toute personne présentant des symptômes compatibles. Le vaccin n’était pas disponible au plan mondial: donc, aucun habitant de Nouvelle-Calédonie n’a été vacciné avant la vague épidémique.

    Le statut immunitaire semblait donc le même pour tous les habitants de Nouvelle–Calédonie. Cette différence a également été rapportée par Nguyen et al. [6] dans une étude réalisée aux Royaumes–Unis où il a noté une sur-représentation des patients « de couleur » (« non-white patients »). S’agit –il d’un différence de réponse immunitaire ? S’agit –il d’une différence de comportement à risque, tel que le tabagisme ou un autre facteur de risque ? Les patients ont-il recours à des médications indigènes favorisant au final l’infection ?

    En ce qui concerne l’habitus tabagique 
    La proportion des fumeurs présentant une pneumonie bactérienne de surinfection est supérieure à celle observée dans la population générale (59,5% vs 47%). Le tabagisme actif peut être suspecté comme étant un facteur favorisant la surinfection. Cette proportion augmente encore plus parmi les patients atteints de FG (75%).
    Le tabagisme actif paraît associé non seulement à la survenue de la surinfection, mais aussi à sa gravité. Cette notion est connue et publiée de longue date, comme par exemple par Almirall et al. en 1999 [7]. Mais il existe de nombreuses autres études retrouvant ce résultat.

    En ce qui concerne les co-morbidités retrouvées chez les patients 
    2/3 des patients souffraient d’au moins une co-morbidité. Et de manière encore plus marquée pour les cas graves de surinfection où 100% des FG sont survenues chez des patients ayant au moins une co-morbidité. Dans la série publiée par NGUYEN et col.[6], 45% des patients présentaient au moins une co-morbidité. La surinfection bactérienne est donc possiblement favorisée par la présence de co-morbidités respiratoires, cardio-vasculaires ou métaboliques. Dans la méta-analyse de Jaber et al. [5], la présence de co-morbidités était noté chez 2 à 56% des patients selon les séries et consistaient en pathologies respiratoires chroniques.

    En ce qui concerne le poids et surtout l’IMC
    L’IMC moyen était de 32 (kg.m2), ce qui place la population étudiée dans la catégorie obèse. Pour les FG, le surpoids était encore plus marqué, en moyenne à 41,5 contre 30 pour les FNG. La gravité des pneumopathies était donc bien liée en partie à ce facteur de risque. La surcharge pondérale a été également retrouvée comme facteur favorisant des formes graves dans d’autres études [4, 6], mais pas dans la méta–analyse de Jaber S et al. [5].

    En ce qui concerne le délai de prise en charge hospitalière par rapport aux premiers symptômes 
    Aucune différence n’est retrouvée entre les deux groupes. D’une manière générale, le délai est assez bref, de 6 jours en moyenne.

    En ce qui concerne la prise en charge préhospitalière 
    Les différences observées dans la prise en charge médicamenteuse avant l’hospitalisation ne sont pas significatives statistiquement. On peut y voir des tendances: un traitement antiviral adapté prescrit dans les heures ou les jours précédant l’hospitalisation était plus souvent associé à une FNG. Il existait une différence aussi pour l’antibiothérapie reçue par seulement 25% des patients ayant une FG. Ces données vont dans le sens des résultats présentés dans la méta- analyse de Jaber et al., [5] où le retard à l’instauration du traitement antirétroviral était associé à une surmorbidité et à une surmortalité.

    En ce qui concerne les marqueurs biologiques 
    Aucune différence n’a été observée entre les FG et les FNG. Dans la série publiée par NGUYEN et al. [6], le taux de CRP à l’entrée était associé au risque de développer une forme sévère. Dans la méta-analyse de Jaber et al. [5], c’est le taux de LDH qui était élevé.

    En ce qui concerne la documentation microbiologi- que 
    Possible dans 20 cas, soit dans 42% des cas, ce qui constitue un résultat classique par rapport aux résultats publiés dans la littérature sur la documentation microbiologique des PFLA commun-communautaires. La flore mise en évidence est classique pour une surinfection de grippe avec une large prédominance de S.pneumoniae et d’H.influenzae. Quelques germes plus rares ont été retrouvés, comme A.baumanii et P.aeruginosa chez les patients porteurs de maladies respiratoires chroniques. La différence notable par rapport aux données habituelles est l’absence d’isolement de S.aureus. Une étude réalisée en 2009 sur 10 624 isolats à la recherche de l’identification des bactéries surinfectant les grippes a montré que S. aureus (14,7% des cas) était plus fréquemment retrouvé que S.pneumoniae (10,2% des cas) [8]. Ceci serait expliqué par certains auteurs qui ont décrit des mécanismes d’internalisation du S.aureus à l’intérieur des pneumocytes induits par le virus H1N1 lui-même [9]. Certains auteurs préconisaient même d’emblée une antibiothérapie à visée antistaphyloccoccique et antipneumococcique en cas de surinfection bactérienne [10].

    En 2007, à Nouméa, une étude prospective de la microbiologie des pneumonies bactériennes communautaires hospitalisées avait été réalisée [11]. 137 cas avaient été collectés, avec un pic pendant la période hivernale en rapport avec l’existence d’une épidémie grippale saisonnière. En période hivernale, la coexistence virus–bactérie était retrouvé dans 22,6% des cas. Dans cette étude, le S.pneumoniae était le germe le plus fréquemment retrouvé. Et là aussi, il n’avait pas été isolé de S. aureus. S’agit-il d’une particularité locale ?

    Limites de l’étude 
    Les principales limites de cette étude sont la faible taille de l’échantillon décrit, et l’absence de preuve formelle pour la majorité des cas d’une infection virale à H1N1v. Quelques données sont manquantes dans les dossiers revus, ce qui limite encore plus la puissance statistique de l’étude. Une des autres limites est l’inconnue concernant le nombre exact de cas de grippe A/H1N1v dans la population générale. En raison des recommandations de l’OMS (3), et également du coût de détection du virus par PCR, les autorités sanitaires de Nouvelle–Calédonie ont recommandé aux médecins cliniciens ayant en charge les patients grippés de ne plus réaliser les tests diagnostiques. D’autre part, la grippe n’étant pas à déclaration obligatoire, les chiffres des patients atteints de grippe sont des évaluations basées notamment sur les arrêts de travail, ou les patients vus en consultation de médecine de dispensaire.

    CONCLUSION

    Dans l’étude des pneumonies ayant surinfecté les grippes au cours de l’épidémie A/H1N1v survenue en 2009, nous avons retrouvé des données semblables à celles de la littérature: pathologie touchant  préférentiellement les sujets jeunes, obèses, fumeurs et avec co-morbidités. Une étude de sous-groupes distinguant FG et FNG de ces pneumopathies a été faite. Les facteurs de risque pour développer une FG était le sexe masculin,  une  surcharge  pondérale  plus  marquée,  un tabagisme actif non sevré, un âge plus avancé, la présence systématique de co-morbidités  et, dans une moindre mesure l’absence de prise en charge médicamenteuse préhospitalière. Quelques particularités se dégagent de notre étude: la très forte proportion de patients mélanésiens ou  polynésiens, l’absence de surinfection à S.aureus. Ces deux particularités sont corroborées par une étude anglaise et néo-calédonienne. Ces résultats bien qu’inexpliqués ne sont donc pas isolés. C’est pourquoi, nous proposons d’être très attentifs à la vaccination antigrippale annuelle et anti-pneumococcique  tous  les  3-5 ans  pour les personnes obèses ou atteintes de co-morbidités ou  fumeuses ou âgées, plus particulièrement lorsqu’elles sont d’origine mélanésienne ou polynésienne. Nous insistons aussi pour une prise en charge médicamenteuse précoce des grippes et des surinfections bactériennes.

     CONFLIT D’INTERETS

    Aucun.

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    ARTICLE INFO

    DOI: 10.12699/jfvp.2.3.2011.59

    Conflict of Interest
    Non

    Date of manuscript receiving
    12/10/2010

    Date of publication after correction
    16/3/2011

    Article citation 
    Birolleau S, Laumond S. Study of community bacterial pneumonia occured at the A/H1N1v flu pandemic in New-Caledonia. J Func Vent Pulm 2011;02(03):59-65.