(Série des maladies respiratoires professionnelles)
Les pathologies respiratoires liées à l’inhalation de fibre d’amiante
Respiratory pathologies due to inhalation of abestos fibers
J.P. Grignet
Service de Pneumologie. Hôpital Denain - France
Corresponding author
Dr Jean-Pierre GRIGNET
Service de Pneumologie, CHR Denain, France
E-mail: jpgrignet@ch-denain.fr
ABSTRACT
Respiratory pathologies due to inhalation of asbestos fibers are grouped in the table N°30 and 30-a of general scheme, 47 and 47-a of the agricultural scheme of occupational diseases. The pathology associated with inhalated asbestos occurs in periods longer than 20 years after exposure. Asbestos fibers can be found in the broncho-alveolar lavage, particularly what are asbestos bodies. Respiratory diseases related to inhalation of asbestos can be presented as non-tumor or non-maligna-nt and tumor or malignant lesions. Non-malignant respiratory diseases are related to chronic inflammation leading to pulmonary or pleural fibrosis. It is a diffuse interstitial fibrosis which is caused by retention of a large number of asbestos fibers. The term is reserved for the asbestosis parenchymal fibrosis. The pleural symptoms are grouped the asbestosis pleuritis, pleural fibrosis, pleural plaques, and sub-pleural atelectasis.
The tumor-related respiratory symptoms of inhaled asbestos fibers are the primary lung cancer and pleural mesothelioma. Mesothelioma is induced by the inhalation of asbestos fibers. It is preferentially located at the pleura and less frequently in the peritoneum and pericardium. The diagnosis of mesothelioma is based on thoracoscopy for getting pleural samples during the examination. In addition, there are predispositions to diseases of asbestos such as immune dysfunction, genetic factors or synergies with other carcinogens. However, there is no synergy between asbestos and smoking with regard to cancer of the pleura.
KEYWORDS: asbestos fibers, asbestosis, pleural plaque, mesothelioma
RÉSUMÉ
Les pathologies respiratoires liées à l’inhalation de fibre d’amiante sont regroupées dans le tableau des maladies professionnelles n°30 et 30 bis du régime général, 47 et 47 bis du régime agricole. La pathologie liée à l’exposition à l’amiante apparaît dans des délais supérieurs à 20 ans après l’exposition. Les fibres d’amiante peuvent être retrouvés dans le lavage broncho-alvéolaire en particulier, ce sont des corps asbestosiques. Les maladies respiratoires liées à l’inhalation d’amiante peuvent être présentées sous formes des lésions non tumorales ou non malignes et tumorales ou malignes. Les maladies respiratoires non malignes sont en rapport avec une inflammation chronique conduisant à la fibrose pulmonaire ou pleurale. Il s’agit d’une fibrose interstitielle diffuse qui est causée par la rétention d’un grand nombre de fibres d’amiante. Le terme d’asbestose est réservé à la fibrose parenchymateuse. Les manifestations pleurales sont regroupées par les pleurésies asbestosiques, les fibroses pleurales, les plaques pleurales, et les atélectasies sous-pleurale.
Les manifestations respiratoires tumorales liées à l’inhalation de fibres d’amiante sont le cancer broncho-pulmonaire primitif et le mésothéliome pleural. Le mésothéliome est induit par l’inhalation de fibres d’amiante et localisé préférentielle au niveau de la plèvre, plus rarement au niveau du péritoine et du péricarde. Le diagnostic de mésothéliome est basé sur la thoracoscopie avec le prélèvement pleural au cours de l’examen. Il existe des prédispositions individuelles aux maladies de l’amiante telles que les dysfonctionnements immunitaires, les facteurs génétiques, et les synergies avec d’autres cancérigènes. Cependant, il n’existe pas de synergie entre l’amiante et le tabagisme pour ce qui concerne les cancers de la plèvre.
MOTS CLES: fibre d’amiante, asbestose, plaque pleural, mésothéliome
INTRODUCTION
Ces pathologies sont regroupées dans le tableau des maladies professionnelles n°30 et 30 bis du régime général, 47 et 47 bis du régime agricole. Certains matériaux fibreux, naturels ou synthétiques, sont très utiles, dans le monde technologique, mais l’inhalation de ces fibres respirables représente un véritable danger pour sa santé de l’homme.
Une fibre désigne une particule allongée à bords parallèles et dont le diamètre est inférieur à 3 µm, mais dont la longueur est supérieure à 5 µm et le rapport entre longueur et diamètre doit être supérieur à 3. C’est le cas des fibres d’amiante. On désigne, sous amiante, plusieurs types d’amiante, mais il existe surtout 3 variétés commerciales, le chrysotile, l’amosite et le crocidolite.
De cet ensemble composite, le chrysotile est la variété la plus utilisée, 95 %, et la seule commercialisée puisqu’elle représente plus de 99,5 % du marché. D’autres fibres non commerciales peuvent également entraîner des pathologies induites par l’inhalation de leurs fibres, il s’agit de l’anthophyllite qu’on retrouve surtout en FINLANDE et la trémolite que l’on retrouve dans certains gisements miniers, aux ETATS-UNIS et au QUEBEC.
Il existe donc une inhalation de fibres qui peut être de type environnemental, c’est le cas de la TURQUIE, de la NOUVELLE-CALEDONIE, mais aussi à une certaine époque, de la CORSE, avec les mines de canaris, on retrouve également en GRECE, à CHYPRE et en AFGHANISTAN. Les fibres utilisées habituellement sont donc surtout le chrysotile. Ces fibres étaient très largement utilisées du fait de leur faible coût et de leurs qualités physiques importantes, en particulier, ignifuges.
La pathologie liée à l’exposition à l’amiante est d’autant plus difficile à cerner que celle-ci apparaît quelquefois dans des délais supérieurs à 20 ans, voire 35 et 40 ans, après l’exposition. On comprendra, de ce fait, la difficulté quelquefois, de reconstituer rétrospectivement les expositions des différents patients, à l’inhalation des fibres d’amiante.
Certaines méthodes, toutefois, peuvent aider à cette démarche et outre le calendrier professionnel et extra-professionnel, il est possible de retrouver également des fibres d’amiante dans le lavage broncho-alvéolaire en particulier, ce sont des corps asbestosiques qui témoignent simplement, et nous le savons maintenant, de l’exposition à l’amiante dans les 15 ans précédent l’examen. Toutefois, ces corps asbestosiques retrouvés sont surtout formés à partir de fibres d’amiante, de type amphibole et très peu à partir du chrysotile.
LES MALADIES RESPIRATOIRES NON TUMORALES LIEES A L’INHALATION DE FIBRES D’AMIANTE
Ces maladies respiratoires non malignes sont en rapport avec une inflammation chronique qui peut conduire même quelquefois à la fibrose pulmonaire ou pleurale. Il existe donc soit des fibroses pulmonaires, que l’on nomme asbestoses, soit des pleurésies exsudatives, soit des fibroses pleurales localisées ou diffuses.
L’asbestose pulmonaire
Il s’agit d’une fibrose interstitielle diffuse qui est causée par la rétention d’un grand nombre de fibres d’amiante, ce terme d’asbestose doit être réservé à la fibrose parenchymateuse et à ne pas utiliser pour la pathologie pleurale, où l’on parlera de fibrohyalinose pleurale. Les aspects histologiques sont ceux d’une fibrose interstitielle diffuse idiopathique, mis à part, quelquefois, la possibilité au microscope optique, de mettre en évidence des corps asbestosiques, signant l’étiologie de la fibrose. Pour le clinicien, le diagnostic est souvent difficile à des stades initiaux, mais la perception aux deux bases de petits râles crépitants en fin d’expiration, peut être considérée comme le signe le plus précoce et pouvant s’accompagner quelquefois, mais de manière relativement rare, par un hippocratisme digital.
C’est l’imagerie, bien sûr, qui est indispensable au diagnostic, d’abord par le cliché standard de face, selon les normes du Bureau International du Travail (BIT), c’est bien sûr la tomodensitométrie en haute résolution thoracique (TDM-HR) qui est la méthode de référence, ou cliché millimétrique sans injection de produit de contraste, fait en décubitus, mais surtout en procubitus, ils permettent d’éliminer les fausses images interstitielles postérieures, par stase vasculaire. Les opacités sont souvent curvilignes, sous-pleurales, linéaires, grossières ou réticulées, perpendiculaires ou obliques, par rapport à la plèvre et aux scissures, avec des opacités en verre dépoli.
L’exploration fonctionnelle respiratoire se caractérise, dans le cas de l’asbestose, par un trouble ventilatoire restrictif significatif, associé à une diminution de la compliance, mais ces tests sont peu sensibles au début de la symptomatologie. Sur le plan fonctionnel respiratoire, on peut assister à une diminution significative de la diminution de la capacité de transfert du monoxyde de carbone.
Il va falloir ne pas oublier dans le bilan, la réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire, afin d’effectuer une étude minéralogique, qui permettra de quantifier la charge alvéolaire en fibres d’amiante. On retrouvera, au lavage, une alvéolite macrophagique dominante.
Les manifestations pleurales bénignes
Ce cadre va regrouper les affections pleurales de chronologies d’apparitions très différentes, obéissant à des mécanismes distincts, d’abord les pleurésies asbestosiques, souvent il s’agit de pleurésies de type exsudatif, subaiguës, qui s’observent assez souvent chez le sujet jeune, 15 ans environ après le début d’exposition à l’amiante, souvent asymptomatiques, récidivantes, parfois à bascule, laissant derrière elles, souvent, une symphyse pleurale, responsable d’un petit trouble ventilatoire restrictif.
Ces pleurésies doivent rendre le pneumologue très prudent, nécessitant une surveillance attentive, car ces pleurésies exsudatives sont souvent le lit éventuel de pathologies plus graves, en particulier de mésothéliome pleural. Au moindre doute, il faudra donc, lorsqu’une pleurésie exsudative n’est pas diagnostiquée, avoir recours à la thoracoscopie.
Les fibroses pleurales appelées encore fibro-hyalinoses pleurales sont les plus fréquentes, ce sont des plaques pleurales pariétales et on peut en voir au niveau de la plèvre viscérale, ce qui explique le terme de « diffuse » et sur la radio standard, ces calcifications sont visibles, avec des épaississements circonscrits, souvent fibro-hyalins et pouvant s’accompagner de comblement du cul-de-sac pleural.
Les plaques pleurales, elles, sont des lésions observées en relation avec l’amiante, correspondant à une fibrose pleurale hyaline puis calcifiée, le diagnostic différentiel correspond aux séquelles de la tuberculose et les images classiques en os de seiche. Il y a encore quelques mois, il était nécessaire, pour reconnaître une fibro-hyalinose pleurale, d’avoir des plaques fibro-hyalines bilatérales et l’aspect unilatéral actuellement est admis pour la reconnaissance de la maladie professionnelle.
Ces plaques pleurales sont quelquefois difficiles à cerner sur une simple radio standard, par contre, l’étude tomodensitométrique sans injection de produit de contraste permet de mettre en évidence ces plaques d’une manière tout à fait aisée.
L’épaississement pleural diffus correspond à une fibrose diffuse de la plèvre, associée à une symphyse des feuillets pleuraux et ces images surviennent assez fréquemment au décours de l’évolution à la suite d’une pleurésie bénigne, d’une pathologie de type asbestose sous-pleurale, intéressant le tissu conjonctif sous-pleural et la plèvre viscérale.
Restent également, comme images, les atélectasies par enroulement, appelées encore atélectasies rondes, ces anomalies correspondent à une lésion dense arrondie, d’allure tumorale, qui réalise une atélectasie sous-pleurale. Le caractère bénin de cette lésion est assez difficile à préciser avec les seules données radiologiques et même avec la tomodensitométrie thoracique, car elles peuvent être confondues aisément, avec la possibilité d’un cancer péri-phérique et c’est fréquemment que le diagnostic n’est confirmé qu’après l’intervention chirurgicale et l’examen anatomo-pathologique extemporané.
De petits signes radiologiques décrits par nos amis de Belgique, Genevois, De Veyst, peuvent quelquefois permettre d’éviter la thoracotomie, lorsque la masse parenchymateuse est arrondie ou ovalaire au contact de la plèvre, lorsqu’il existe un épaississement pleural au contact de cette opacité arrondie et lorsqu’il existe un angle aigü entre la masse parenchymateuse et la paroi. Il existe, souvent, d’ailleurs, également associées, des bandes fibreuses ou des aspects que l’on nomme en « pieds de corneille ».
Le pronostic de ces atteintes pleuroparenchymateuses non tumorales de l’amiante
Les plaques pleurales fibreuses fibro-hyalines, étant donné qu’il n’y a pas de vascularisation au niveau des plaques pleurales, sont d’un pronostic relativement rassurant. Toutefois, il existe toujours une néovascularisation juste à côté de ces plaques pleurales et cette néo-vascularisation peut favoriser l’apparition d’une pathologie tumorale.
En ce qui concerne l’asbestose, donc la fibrose pulmonaire, celle-ci peut évoluer de manière très rapide, vers une insuffisance respiratoire chronique, nécessitant une oxygénothérapie de longue durée de suppléance ou à l’inverse de la silicose, d’ailleurs, les patients doivent bénéficier d’un débit minute en oxygène beaucoup plus important, allant quelquefois à 5, 6, 7 L/mn, 24 h/24.
La gazométrie sanguine guidera, bien sûr, dans la prescription de cette thérapeutique et la surveillance de l’hémo-dynamique gazométrique permettra le réajustement du débit nécessaire chez ce type de patient.
LES MANIFESTATIONS RESPIRATOIRES TUMORALES LIEES A L’INHALATION DE FIBRES D’AMIANTE
Le cancer broncho-pulmonaire primitif est le risque accru de cancer du poumon chez les travailleurs de l’amiante, cela apparait indiscutable et lors de la réunion de consensus de janvier 1999, il est apparu, au vu du rapport de l’INSERM, de 1996, qu’un patient exposé à l’amiante avait un risque de cancer broncho -pulmonaire multiplié par 5, par rapport à un patient non exposé à l’amiante. Si un patient non fumeur, non exposé à l’amiante à un ratio égal à 1, un patient non fumeur exposé à l’amiante à un ratio équivalent à 5, un patient fumeur non exposé à l’amiante à un ratio équivalent à 11 et un patient fumeur exposé à l’amiante, a donc un ratio multiplié, c’est-à-dire évalué à 55, l’association tabac et amiante multipliant donc le risque par 55, l’apparition d’un cancer broncho-pulmonaire.
A côté des tumeurs du poumon, le mésothéliome pleural, tumeur par excellence, induit par l’inhalation de fibres d’amiante, est la localisation préférentielle tumorale au niveau de la plèvre, plus rarement au niveau du péritoine et du péricarde.
Le diagnostic de mésothéliome, autrefois difficile, devient beaucoup plus aisé grâce à la thoracoscopie et au prélèvement de visu, au décours de cet examen, mais l’aspect radiologique en masse, au niveau de la plèvre, formant souvent certaines petites boules appendues à la plèvre et l’aspect caractéristique en tomodensitométrie, permettent la présomption de diagnostic qui induit la réalisation de la thoracoscopie, voire de la thoracotomie à minima, lorsque le décollement pleural n’est pas possible.
Il est difficile, quelquefois, à l’anatomopathologiste, de faire une différence entre l’adénocarcinome et le mésothéliome. L’étude immunohistochimique, maintenant, permet de mieux les différencier grâce au recours aux anticorps monoclonaux spécifiques de la kératine, vimentine et de l’antigène carcinoembryonnaire, ACE. Vimentine positive, ACE négative, sont en faveur du mésothéliome, vimentine négative, ACE positive, sont en faveur de l’adénocarcinome.
Les anomalies malignes à type de mésothéliome sont fréquentes dans l’exposition à l’amiante, il apparait très vraisemblable que plus de 85 % des mésothéliomes pleuraux sont induits par l’inhalation de fibres d’amiante, pouvant être d’ordre professionnel ou environnemental. La survenue se fait très fréquemment, 35 à 40 ans après le début de l’exposition, même après une courte période de quelques mois, si cette exposition est intense, le nombre de mésothéliomes actuellement semble supérieur à 1000/an en FRANCE.
Il semble aussi que dans les mécanismes cellulaires de la cancérologie, la cancérogénèse induite par les fibres, la longueur des fibres apparait déterminante, car plus la longueur est importante, plus le risque cancérigène est important, mais, par contre, bien entendu, le diamètre de la fibre doit pouvoir pénétrer l’alvéole, doit être inférieur à 2.5 µm, ce qui explique que les fibres de plus de 15 ou 20 µm n’ont pas, en longueur, de retentissement, puisqu’elle ne pénétre pas l’alvéole, c’est donc les fibres entre 10 et 13 µm, qui sont les plus dangereuses. Les fibres d’amiante sont également entourées de ferritine qui jouent également indiscutablement un rôle dans la cancérogénèse.
Il existe également, bien sur, des prédispositions individuelles aux maladies de l’amiante, chez l’homme, d’une part, des dysfonctionnements immunitaires, des facteurs génétiques, des synergies avec d’autres cancérigènes, par contre, il n’existe pas là, de synergie entre l’amiante et le tabagisme, pour ce qui concerne les cancers de la plèvre.
Il faudra associer aux fibres d’amiante, la probable relation et toxicité identique des fibres artificielles, comme certaines fibres de verre, laine de verre, laine de roche, céramique, ceci expliquant la difficulté du remplacement de l’amiante, du fait de la qualité ignifuge par d’autres fibres, dont on peut craindre un danger quasiment identique, quant à l’apparition d’une symptomatologie pulmonaire.
En ce qui concerne la nature des fibres qui peuvent induire un mésothéliome pleural, il semble bien que les amphiboles soient plus cancérigènes que le chrysotile, mais il apparait maintenant aussi que l’apparition de mésothéliome pleural est plus rapide lorsqu’il s’agit d’inhalation de fibres d’amphiboles et beaucoup plus lente lorsqu’il s’agit de l’inhalation de fibres de chrysotile.
CONFLIT D’INTERETS
Aucun.
ANNEXE
(Tableau 30 et 30Bis)
REFERENCES
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TABLES
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ARTICLE INFO
DOI: 10.12699/jfvp.2.3.2011.35
Conflict of Interest
Non
Date of manuscript receiving
5/11/2010
Date of publication after correction
16/3/2011
Article citation
Grignet J.P. Respiratory pathologies due to inhalation of abestos fibers. J Func Vent Pulm 2011;02(03):35-41.