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  • ORIGINAL RESEARCH - JOURNAL OF FUNCTIONAL VENTILATION AND PULMONOLOGY. VOLUME 11 - ISSUE 35. 2020

    Last Updated: 07/01/2021

    Roles of pharmacy agents in asthma care in Africa: Survey of community pharmacist’s agents in Libreville
    Rôles des agents d’officines dans les dispensations des médicaments de l’asthme en milieu Africain: Enquête auprès des agents d’officine de la ville de Libreville 
    UD. Kombila1,2*, D. Mounguengui2,3, F. N’gomanda1, JB. Boguikouma1,2 

    1 :  Service de Médecine Interne. CHU Libreville. Gabon
    2 : Université des Sciences de la Santé. Libreville, Faculté de Médecine des Sciences de la Santé
    3:  Service de Médecine Polyvalente. HIA Omar Bongo Ondimba

    Corresponding author
    Dr. Kombila Ulrich Davy
    Service de Médecine Interne, CHU Libreville, Gabon.
    Faculté de Médecine des Sciences de la Santé (FMSS). Université des Sciences de la Santé (USS)
    E-mail: ulrichdavyk@gmail.com

    DOI: 10.12699/jfvpulm.11.35.2020.21

     

    ABSTRACT

    Introduction. The pharmacy agents is sought regularly by asthmatic patients. Through their knowledge of the drug and their contact with patients appear to be potential players in the management of asthma.
    Methods. This was a cross-sectional survey by self-administered questionnaire, interesting to the agents of pharmacies. It was conducted to assess delivery asthma drugs in community pharmacies in Libreville, Gabon.
    Results. The acceptance rate for pharmacies was 75.0%. All the participants in the study report having been visited by an asthma patient in the pharmacy, either during acute episodes (75.7%) or between acute episodes (95.1%). It was found that a considerable number of patients come to community pharmacies for care without prior medical prescription (26.6%). In case of acute episode, care is provided by the agents of pharmacies (91.7%). At the pharmacy, asthma management is provided by pharmacists in 82.4% of acute episode. The technical of handling metered dose aerosols, and the inhalation chamber are poorly understood by dispensing agents. In the background treatment, oral corticosteroids (8.2%) and β2-CDA (7.5%) are still used. Counseling was also given to patients on the doctor's consultation (52.1%), the eviction of any contact with a known allergen (50.2%), the smoking elimination (45.0%).
    Conclusion. It is more than necessary to integrate in health policies the ongoing training and evaluation of community workers.

    KEYWORDS:  Pharmacy agents; Asthma; Education; Drugstore.

    RÉSUMÉ

    Introduction. Le personnel d’officine est régulièrement sollicité par des malades asthmatiques. De par leur connaissance du médicament et leur contact avec les patients apparaissent comme des acteurs potentiels dans la prise en charge de l’asthme.
    Méthodes. Il s’est agi d’une enquête transversale par questionnaire autoadministré intéressant les agents d’officines. Elle a consisté à évaluer les conditions de dispensation de médicaments de l’asthme en officine en milieu africain à Libreville (Gabon).
    Résultats. Le taux d’acceptation de participation des pharmacies était de 75%. Tous les participants à l’étude affirment avoir reçu la visite d’un asthmatique en officine soit en période d’exacerbations (75,7%), soit en inter crises (95,1%). Il ressort que les asthmatiques se présentent dans une proportion négligeable directement en officine sans prescription médicale (26,6%). Les antiasthmatiques sont souvent délivrés sans aucune ordonnance médicale en cas d’exacerbations aigues (91,7%). A l’officine, une prise en charge de l’asthme est assurée par les agents d’officines dans 82,4% des exacerbations d’asthme. Les techniques de manipulation des aérosols doseurs et de la chambre d’inhalation sont mal connues des agents d’officines. Dans le traitement de fond, les corticoïdes oraux (8,2%) et les bêta-2 agonistes courtes durées d’action (β2-CDA) (7.5%) sont encore utilisés. Des conseils ont également été prodigués aux patients sur la consultation chez le médecin (52,1%), l’éviction de tout contact avec un allergène connu (50,2%), l’éviction des ambiances tabagiques (45,0%).
    Conclusion. Il est plus que nécessaire d’intégrer dans les politiques sanitaires une formation et une évaluation continues des agents d’officines 

    MOTS CLÉSAgents d’officines; Asthme; Education; Officine

     

    INTRODUCTION

    L’asthme est une maladie inflammatoire chronique des voies aériennes qui se caractérise par des symptômes de brèves durées spécifiques à chaque patient, spontanément réversibles ou sous l’effet d’un traitement, et des exacerbations potentiellement graves [1]. Il s’agit d’un motif fréquent de recours aux soins. Par sa prévalence élevée, en particulier chez l’enfant, la prévention possible des exacerbations, les coûts engendrés par cette maladie, l’asthme constitue une priorité de santé publique [2]. Pourtant, des progrès sont encore nécessaires dans ce domaine, car le contrôle de l’asthme est, en réalité, encore loin d’être optimal. A la différence d’autres maladies chroniques, le traitement de l’asthme associe une double difficulté: la non observance des traitements prescrits et la mauvaise utilisation des médicaments inhalés [3]. Un agent d’officine est une personne délivrant les médicaments dans une pharmacie d’officine privée, reconnue par l’ordre national des pharmaciens du Gabon (ONPG) et ayant reçu une formation certifiée en « vendeur en pharmacie », sans distinction de niveau d’études. Il s’agit d’un professionnel de santé de proximité, qui peut jouer un rôle essentiel tant dans le diagnostic que dans le traitement de l’asthme. Ce rôle concerne notamment l’aide à la compréhension de la maladie et des traitements, l’apprentissage des techniques d’inhalation et l’auto-surveillance [4].

    Aussi, ces derniers, loin de se limiter à la délivrance des médicaments, doivent s’engager dans l’éducation des asthmatiques. Dans certains pays d’Afrique Subsaharienne comme le Gabon, ces agents d’officine sont souvent les premiers interlocuteurs des patients dans la dispensation des médicaments du fait de l’insuffisance du nombre de pharmaciens disponibles dans les officines. D’autre part, la pénurie grave en ressources humaines de santé, notamment les médecins spécialistes, conséquence d’un environnement socio-économique particulier aux pays en voie de développement et de la mauvaise répartition de la couverture sanitaire est à l’origine d’une prise en charge en charge insuffisante des patients asthmatiques [5].

    Progressivement est donc apparue la nécessité de concevoir et de préparer des programmes d’éducation bien structurés dans lesquels à côté du médecin, pivot de la relation thérapeutique, d’autres soignants: infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens [6] et les agents d’officines auraient un rôle plus important à jouer. C’est pourquoi, il nous est apparu mérité d’apprécier l’attitude des agents d’officine dans différentes situations susceptibles d’être rencontrées dans la délivrance des médicaments de l’asthme à Libreville, Gabon.

    MÉTHODES

    Cadre d’étude
    L’étude s’est déroulée dans les trois communes que compte la capitale du Gabon (Commune de Libreville, d’Akanda et d’Owendo). Le Gabon est situé en Afrique Centrale. A cheval sur l’équateur, il est limité au Nord-Ouest par la Guinée Equatoriale, au Nord par le Cameroun, à l’Est et au Sud par le Congo et à l’Ouest par l’Océan Atlantique qui le borde sur plus de 800 km de côte. Sa superficie est de 267 667 km2 avec une forêt recouvrant plus de 75% de son territoire. Le climat est de type équatorial, chaud et humide. La température moyenne annuelle est de 26°C et l’hygrométrie de plus de 80%. La population du Gabon est estimée à 1.811.079 habitants dont plus de la moitié à moins de 22 ans [7].

    Type et durée d’étude 
    Il s’est agi d’une enquête transversale, qui s’est déroulée sur une période d’activité de six mois allant du 1er Mars au 1er Septembre 2018.

    Population cible
    Cette étude s’est intéressée à l’ensemble d’agents d’officines. Le choix de cette population tient au fait que dans notre pratique quotidienne, ce sont les premiers interlocuteurs dans la délivrance des médicaments des patients en officine. Pour le recensement de ces dernières, nous nous sommes basés sur la liste actualisée du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Gabon à la date du 30 Avril 2018 et qui comportait 76 officines sur lesquelles, il a été construit un plan de sondage en grappes stratifié à deux degrés au sein duquel les établissements d’officine constituaient les unités primaires d’échantillonnage et les agents d’officines les unités secondaires. Au total 57 sur 76 officines ont accepté de participer à l’étude après tirage au sort soit un taux d’acceptation de 75,0%. Parmi les 57 officines 267 agents d’officines, tiré au sort ont accepté de participer.

    Présentation du questionnaire
    Il s’est agi d’un auto-questionnaire anonyme, qui comportait 30 questions reparti en cinq items: connaissances et comportement de l’agent d’officine face à l’exacerbation aigue d’asthme, et en dehors des exacerbations aigue d’asthme, face au traitement de fond de l’asthme, face aux médicaments inhalés, face aux chambres d’inhalation et enfin, enquête sur le comportement générale vis-à-vis de la maladie asthmatique. Par ailleurs, l’enquête évaluait l’aptitude de chaque agent d’officine à montrer le fonctionnement de de trois dispositifs de délivrance de médicaments inhalés et de l’utilisation d’une chambre d’inhalation. L’évaluation des dispositifs d’inhalation a été faite à partir d’une grille d’évaluation prédéfinie  s’inspirant des  schémas disponibles.  Ainsi, toutes les questions avaient les modalités de réponses. Exception faite des questions se référant, aux signes de gravité d’asthme, et sur la démonstration des dispositifs inhalés qui étaient ouvertes en terme de «Citez les signes de gravité de l’exacerbation aigue d’asthme que vous connaissez?», «Faites la démonstration d’utilisation de dispositifs inhalés et des chambres d’inhalation».

    Recueil et analyse des données
    Collecte des données
    Avant le déroulement de l’enquête, la fiche à fait l’objet d’un pré-test auprès de 10% de l’effectif souhaité. Cela a permis de s’assurer de la compréhension du questionnaire. Le déroulement de l’enquête a été effectué par un seul étudiant en année de thèse qui avait reçu au préalable une formation à la conduite d’enquêtes par questionnaire autoadministré. Tous les questionnaires ont été remplis par le même enquêteur dans l’officine de chaque agent d’officine. La durée de remplissage du questionnaire a été de 15 à 20 minutes en présence de l’enquêteur. Pour chaque pharmacie sélectionnée par tirage au sort, l’enquête a été menée en une seule matinée.

    Analyse des données
    L’analyse des données a été rendue possible grâce au logiciel Epi info 3.5.1. Nous avons procéder à une analyse descriptive des données. La description des caractéristiques de la population, a été faite pour les variables quantitatives à l’aide de la moyenne ± écart type (±ET) ou de la médiane [minimum–maximum]. Les variables qualitatives ont été décrites par leur fréquence.

    Considérations éthiques
    Cette étude a reçu au préalable l’approbation du Conseil de l’Ordre des Pharmaciens du Gabon, qui s’est chargé d’informer par écrit et par téléphone, les différentes officines privées de notre passage pour nécessité de réalisation de l’enquête. Le respect de la dignité, de l’intimité et de la liberté de la personne répondant aux questions ont été observé.

    RÉSULTATS

    Conditions de délivrance des médicaments de l’asthme à l’officine
    Les agents d’officines affirment avoir reçu la visite d’un asthmatique en officine, soit uniquement à l’occasion d’exacerbations aigues (75,7%; n=202), soit uniquement en dehors des exacerbations aigues (95,1% ; n=245), soit en exacerbation et en dehors des exacerbations (82,7% ; n=221). 
    Parmi les patients asthmatiques, 26,6% (n=71) se présentaient à l’officine sans ordonnance, 5,6% (n=15) avaient toujours une prescription médicale et 65,5% (n=175) rarement. 

    Lorsque l’asthmatique se présentait à l’officine sans prescription médicale, les médicaments étaient servis sans exigence d’une ordonnance dans 91,7% (n=245) en cas d’exacerbations aigues; une ordonnance était exigée dans 53,6% (n=143) en dehors des exacerbations aigues. Les agents d’officines affirment proposer un traitement à l’officine en cas d’exacerbations aigues dans 82,4% (n=220).

    Connaissances et pratiques lors des exacerbations aigue d’asthme
    Les agents d’officines affirmaient connaitre les signes de gravité d’exacerbations aigues d’asthme dans 67,4% (n=180). Les signes de gravité fréquemment cités ont été ; les difficultés respiratoires (61,8% ; n=165), suivi des difficultés à tousser (3,7% ; n=10), l’agitation (2,6% ; n=7). Aucun des participants n’avait cité l’ensemble des signes de gravité (difficulté d’élocution, difficulté à tousser, cyanose, sueurs, fréquence respiratoire supérieure à 30/minutes). 

    Les médicaments délivrés pendant l’exacerbation aiguë d’asthme étaient les bêta-2 mimétiques en aérosol doseur (82,4%; n=220), les corticoïdes injectables (21,7%; n=58) et l’association bêta-2 mimétique et corticostéroïde en aérosol pressurisé (19,8%; n=53) (Tableau 1). En plus du traitement préconisé, les pharmaciens conseillaient aux asthmatiques de se faire suivre par un médecin dans 80,1% (n=214), de rentrer à domicile dans 14,6% (n=39).

    Connaissances et pratiques en dehors des exacerbations aigues d’asthme
    Les médicaments conseillés par les agents d’officines en l’absence de prescription médicale et en dehors des exacerbations aigues étaient les corticostéroïdes injectables dans 38,2% (n=102), les corticostéroïdes inhalés dans 36,7% (n=98) et l’association bêta-2 mimétique et corticostéroïde en aérosol pressurisé dans 36,3% (n=97) (Tableau 2). Seuls 19,5% (n=52) conseillaient systématiquement les patients asthmatiques lors de leur visite en dehors des exacerbations. Les conseils prodigués étaient de revoir son médecin (52,1% ; n = 139), l’éviction de tout contact avec un allergène connu (50,2% ; n = 134), les milieux fumeurs (45,0% ; n = 120).

    Connaissances et comportement face au traitement de fond de l’asthme
    Le traitement de fond est reconnu nécessaire par 40,1% (n = 107) d’agents d’officines. Les thérapeutiques conseillées comme traitement de fond par les agents d’officines étaient les corticoïdes oraux (8,2%; n =22), l’association bêta-2 mimétique et corticostéroïde en aérosol pressurisé (5,2%; n =14) et les bêta-2 mimétiques de courte durée d’action (7,5%; n =20) (Tableau 3). En plus, du traitement de fond les antihistaminiques étaient conseillés par 65,5% (n =175) agents d’officines. Concernant la vérification par les agents d’officines de la bonne utilisation des dispositifs inhalés délivrés ; 35,6% (n=95) vérifiaient systématiquement la bonne utilisation des dispositifs inhalés délivrés, 19,1% (n=51) toujours et 36,3% (n=97) 

    jamais. En présence des enfants asthmatiques, la chambre d’inhalation lors de la délivrance des médicaments de l’asthme était systématiquement conseillée par 13,1% (n=35), souvent par 4,5% (n=12) et jamais par 65,1 %(n=174).

    Connaissances du fonctionnement des dispositifs inhalés et de la chambre d’inhalation
    Les agents d’officines affirmaient connaitre la technique d’utilisation d’un aérosol doseur dans 83,9% (n=224), de la chambre d’inhalation dans 36,7% (n=98), de l’Autohaler dans 30% (n=80) et le Turbuhaler dans 15,7% (n=42). La pratique de la démonstration des dispositifs inhalés était systématiquement réalisée par 18,7% (n=50), parfois par 16,5%, alors que 40,1% (n=107) ne faisait jamais de démonstration. Sur les 267 agents d’officines interrogés, 159 (n=59,5%) avaient accepté de faire les démonstrations d’utilisation des médicaments inhalés. Le refus de faire la démonstration a été considéré comme équivalent à l’ignorance du mode de fonctionnement du dispositif d’inhalation. Par ailleurs 12,6% (n=20/159) avaient utilisé correctement l’aérosol doseur en validant la totalité des étapes mentionnées dans le questionnaire. Aucun n’a validé toutes les étapes des autres dispositifs utilisés : Autohaler®, le Turbuhaler® et la chambre d’inhalation. La faute prédominante consistait pour l’Autohaler, à oublier d’expirer entièrement du dispositif, serrer les lèvres autour de l’embout buccal, expirer lentement et refermer le dispositif à l’aide du repose pousse, pour le Turbuhaler à oublier de maintenir l’appareil verticalement, d’expirer entièrement en dehors du dispositif, et d’expirer lentement. Pour la Chambre d’inhalation la faute prédominante consistait à présenter l’  aérosol tête en bas, devant l’orifice de la chambre     et inspirer lentement et profondément dans la chambre.  Parmi  les 12 étapes  à réaliser pour une meilleure utilisation des aérosols doseurs, les plus fréquemment connues étaient ; le retrait du capuchon (75,2%), la position de l’aérosol doseur qui doit être verticale (59,3%), et l’inspiration lente et le déclenchement de la cartouche une seule fois au début de l’inspiration (23,6%) (Figures 1, 2, 3, 4).

    Les difficultés rencontrées par les agents d’officines 
    Les difficultés rencontrées à l’officine concernaient l’absence d’ordonnance (88,0% ; n=235), l’indiscipline des patients asthmatiques (42,3% ; n=113),  les  difficultés des patients à utiliser l’aérosol doseur (29,2%; n=78), et l’analphabétisme (42,3%). Les questions le plus souvent posées aux agents d’officines par les asthmatiques portent sur le rôle des médicaments utilisés (23,7%; n=64), la possibilité de guérison de la maladie asthmatique (20,2%; n=54). L’ensemble des participants à l’étude exprime le désir d’une formation sur l’asthme par des séminaires (59,2%; n=158) et des enseignements post universitaire. (37,4%; n=100).

    DISCUSSION

    Cette étude offre un aperçu global des connaissances et des comportements des agents d’officines confrontés au quotidien à la visite des patients asthmatiques aussi bien en exacerbation aigue, qu’en dehors des exacerbations. Cette étude n’a évalué que les intentions de pratiques à l’officine. On ne peut affirmer avec certitude absolue que soit le reflet exact de la pratique des agents d’officines, une enquête auprès des patients permettra de mieux apprécier les habitudes réelles. Les résultats de notre enquête reposent sur la validité des données recueillies par auto-questionnaire classiquement utilisé dans ce type d’enquête. Les agents d’officine enquêtés ont affirmé recevoir en visite des patients asthmatiques aussi bien pendant les exacerbations (75,7%), qu’en dehors des exacerbations aigues (95,1%). Cette forte convergence des patients asthmatiques vers les officines est le reflet de l’insuffisance des structures sanitaires doublées du manque de médecin dans notre contexte d’exercice occasionnant ainsi de longues files d’attentes à l’hôpital, ce qui n’incite guère à la fréquentation des hôpitaux. Il existerait également une réalité socio-culturelle et économique selon laquelle nos populations ont tendance à se présenter directement en officine, échappant du coup aux lourds frais de consultations [6] dans un contexte de paupérisation. La majorité des agents d’officine (82,4%) avait affirmé conseiller un traitement à l’officine en cas d’exacerbations aigues d’asthme en l’absence d’une prescription médicale. Ce constat avait également été retrouvés dans la littérature [4, 6, 8]. L’exacerbation d’asthme est un évènement important par sa potentielle gravité pouvant mettre en jeu le pronostic vital du patient, par le recours inopiné aux soins qu’elle entraine [9, 10]

    Elle nécessite donc un traitement urgent [10]. Un épisode d’exacerbation peut être l’occasion d’établir un contact avec le patient (approche éducative) pour augmenter l’adhésion au traitement de fond par les corticoïdes inhalés, qui restent la meilleure prise en charge préventive de l’exacerbation future [11]. Parmi les médicaments les plus délivrés en cas d’exacerbations aiguës, on avait les bêta-2 mimétiques en aérosol  doseur (84,2%) et  les corticoïdes injectables (21,7%). Ces résultats ont également été retrouvés par Toloba et coll., où respectivement les agents d’officine prescrivaient les bronchodilatateurs et les antiinflammatoires non stéroïdiens dans 68,8% et 3,8% [12]. Les β-2 mimétiques (β2M) de courte durée d’action (CDA) peuvent être préconisés par les dispensateurs des médicaments afin de soulager le patient en urgence. Laisser partir le patient en pleine exacerbation d’asthme l’exposerait à un décès. Ceci est conforme aux conférences de consensus sur l’asthme. Selon les recommandations, les β2 CDA ou traitement de secours sont les médicaments qui doivent être préconisés en première intention. Ils permettent d’améliorer transitoirement les symptômes le temps que la cause de l’aggravation des symptômes d’asthme disparaissent ou que la majoration du traitement fasse son effet [1]. L’augmentation de la fréquence respiratoire, les difficultés à tousser et l’agitation étaient les trois critères de gravité les plus fréquemment cités chez les agents d’officines interrogés. Cette méconnaissance des signes de gravité de l’exacerbation aiguë a également été soulignée dans la littérature chez les pharmaciens d’officines par Casset et coll., [3]. Ainsi cette méconnaissance, fait courir le risque de méconnaitre un asthme aigue grave chez un patient apparemment stable pour lequel l’inhalation seule de bronchodilatateurs est insuffisante. La notion d’exacerbation recouvre des situations de gravité très différentes. Elles ont en commun l’urgence de la prise en charge thérapeutique dont la lourdeur doit être adaptée à la sévérité des manifestations cliniques [11]. En plus du traitement préconisé, la majorité des agents d’officines conseillait aux patients asthmatiques de se faire suivre par un médecin (80,2%). Cette attitude a également été préconisée par plusieurs auteurs [3, 6, 8].

    Il s’agit d’une attitude correcte, car devant une exacerbation d’asthme, l’agent d’officines se doit de dédramatiser, rassurer le patient et l’orienter vers le médecin [4] ; médecin généraliste, pneumologue ou pédiatre pour l’éducation thérapeutique. Le traitement de fond est reconnu nécessaire par 40,1% des agents d’officines. Les thérapeutiques préconisées par les agents d’officines étaient les corticoïdes oraux (8,2%), l’association bêta-2 mimétique et corticostéroïde en aérosol pressurisé. Ce constat a également été fait respectivement par Koffi et coll., et Badoum et coll., où la majorité des pharmaciens interrogés avait reconnu nécessaire un traitement de fond dans respectivement 98,4% et 74% des cas [4, 6].

    Contrairement à leur étude qui concernait les pharmaciens, la nôtre a concerné les agents d’officines c’est-à-dire les vendeurs en pharmacies pouvant expliquer la différence des proportions dans l’usage et la prescription du traitement de fond. Ces vendeurs en pharmacie n’étant pas souvent aptes à manier les médicaments de spécialité. À ce jour, les corticostéroïdes inhalés (CSI) constituent le pilier du traitement de fond de l’asthme persistant [13]. Les difficultés rencontrées à l’officine par les patients asthmatiques concernaient l’absence d’ordonnance (88,0%), l’indiscipline des patients asthmatiques (42,3%) et les difficultés des patients à utiliser les dispositifs d’inhalation (29,2%). Ces difficultés ont également été rencontrées par d’autres auteurs [6]. Ces difficultés trouvent une explication en partie dans le déficit d’informations et d’éducation des patients asthmatiques par les médecins en charge des patients asthmatiques. Une éducation thérapeutique bien menée et continue doit impérativement être intégrée au traitement de l'asthme, puisqu'elle a montré son efficacité dans la prévention des exacerbations d'asthme en diminuant le recours aux urgences et aux hospitalisations [14, 15]. L’éducation thérapeutique est un processus continu, qui fait partir intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Pour être efficace, cette éducation ne doit pas se limiter à des connaissances purement théoriques, mais faire du patient un acteur à part entière de sa prise en charge, convaincu de la nécessité d’utiliser adéquatement son traitement [16]. Parmi les 267 agents d’officines enquêtés, 59,5% avaient accepté de faire la démonstration d’utilisation des dispositifs inhalés et de la chambre d’inhalation.

    On notait une mauvaise utilisation des dispositifs inhalés. Cette méconnaissance d’utilisation des dispositifs d’inhalation n’est pas le seul apanage des agents d’officines, elle a également été constatée chez les pharmaciens [3, 17].

    CONCLUSION

    Malgré une connaissance relativement bonne sur le traitement et de la prévention de l’asthme qui reste à améliorer, des insuffisances ont tout de même été notées, sur l’habileté des agents d’officines à reconnaitre les signes de gravité au cours d’exacerbations aigues d’asthme et à utiliser des dispositifs d’inhalation. Des insuffisances ont également été notées dans la prescription des traitements aussi bien de l’exacerbation que du traitement de fond. Enfin pour que l’agent d’officines puisse jouer pleinement son rôle de conseils et d’éducation dans la prise en charge de l’asthme, cela devrait passer nécessairement par des formations régulières et soutenues qui devraient être intégré dans les politiques sanitaires.

    Remerciements

    Nous remercions la Présidente du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Gabon, pour son aide inestimable dans le déroulement de l’enquête.

    CONFLICT D’INTÉRÊT
    Non.

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    ARTICLE INFO

    DOI: 10.12699/jfvpulm.11.35.2020.21

    Conflict of Interest
    Non

    Date of manuscript receiving
    17/9/2020

    Date of publication after correction
    15/12/2020

    Article citation 
    Kombila UD, Mounguengui D, N’gomanda F, Boguikouma JB. Roles of pharmacy agents in asthma care in Africa: Survey of community pharmacist’s agents in Libreville. J Func Vent Pulm  2020;35(11):21-28