• English French
  • ORIGINAL RESEARCH - JOURNAL OF FUNCTIONAL VENTILATION AND PULMONOLOGY. VOLUME 7 - ISSUE 21. 2016

    Last Updated: 28/08/2018

    Current state of knowledge and attitudes of physicians in Lome on sleep apnea syndrome.
    État des lieux des connaissances et attitudes des médecins de Lomé sur le syndrome d’apnées du sommeil.
    AS. Adambounou1, KS. Adjoh1, AR. Ouédraogo2, P. Efalou1, KA. Aziabé1, SE. Hounsou1, AG. Gbadamassi1, S. Maïga2, MA. Djibril3, M. Bélo3,4, O. Tidjani1.

    1Service de Pneumologie, CHU Sylvanus Olympio. Lomé-Togo.
    2
    Service de Pneumologie, CHU Yalgado Ouedraogo. Ouagadougou, Burkina Faso.
    3
    Service de Médecine Interne, CHU Sylvanus Olympio. Lomé-Togo.
    4
    Service de Neurologie, CHU Sylvanus Olympio. Lomé – Togo.

    Corresponding author
    Dr. Amento Stephane ADAMBOUNOU
    Service de Pneumologie–CHU Sylvanus OLYMPIO. 
    Lomé–Togo
    E-mail: amentos@yahoo.fr

    DOI: 10.12699/jfvp.7.21.2016.7


    ABSTRACT

    Introduction. The objective of this study was to assess the knowledge of Lomé physicians about sleep apnea syndrome (SAS) and describe their attitudes to a suspicious subject.
    Method. It was a descriptive and analytical cross-sectional survey of 250 doctors in the city of Lomé. Data collection was made by a self-administered questionnaire completed without the need for a source of information.
    Results. The general level of knowledge on the SAS was average and bad respectively in 77% and 18% of physicians surveyed. The cardinal symptoms (apnea, snoring, daytime sleepiness) were well known (90% of physicians). Cardiovascular effects were the main medical complications cited by 80% of doctors, but only 36.19% of them spoke hypertension as a major cardiovascular complication. Polysomnography was cited by 44% of respondents as the reference diagnostic examination. Ventilation with continuous positive airway pressure (CPAP) and lifestyle changes were the main treatments cited in 61% of cases. Thirty-one percent of physicians reported evoke the SAS least once a year. Doctors would address the presumptive case of SAS to pulmonologist (65.24%), ENT (22.38%), and neurologist (10.48%) while 23.81% of physicians directly propose a nocturnal ventilatory polygraph.
    Conclusion. The theoretical knowledge on SAS doctors are overall averages. However, professional practices need to be strengthened for better management of SAS in Togo.

    KEYWORDS: Knowledge, attitude, sleep apnea, doctor, Togo.

    RÉSUMÉ

    Introduction. L’objectif de cette étude était d’évaluer les connaissances des médecins de Lomé sur le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) et de décrire leurs attitudes face à un sujet suspect.
    Méthode. Il s’est agi d’une enquête transversale descriptive et analytique auprès de 250 médecins exerçant dans la ville de Lomé. La collecte des données a été faite par un questionnaire auto-administré renseigné sans recours à une source d’information.
    Résultats. Le niveau général de connaissance sur le SAS était moyen et mauvais respectivement chez 77% et 18% des mé- decins enquêtés. Les symptômes cardinaux (apnées, ronflements, somnolence diurne) étaient bien connus (90% des médecins). Les répercussions cardiovasculaires étaient les principales complications médicales citées par 80% des médecins, mais seuls 36,19% d’entre eux ont évoqué l’HTA comme complication cardio-vasculaire majeure. La polysomnographie avait été citée par 44% des enquêtés comme examen diagnostique de référence. La ventilation par pression positive continue (PPC) et les mesures hygiéno-diététiques étaient les principaux traitements cités dans 61% des cas. Trente et un pour cent des médecins ont déclaré évoquer le SAS moins d’une fois par an. Les médecins adresseraient les cas présomptifs de SAS vers un pneumologue (65,24%), un ORL (22,38%) et un neurologue (10,48%) tandis que 23,81% des médecins proposeraient directement une polygraphie ventilatoire nocturne.
    Conclusion. Les connaissances théoriques des médecins sur le SAS sont globalement moyennes. En revanche, les pratiques 
    professionnelles méritent d’être renforcées pour une meilleure prise en charge du SAS au Togo.

    MOTS CLÉS: Connaissance, attitude, apnées du sommeil, médecin, Togo.


    INTRODUCTION

    Le Syndrome d’apnées du sommeil (SAS) se définit comme étant la répétition d'épisodes de réduction (hypopnées) ou d'interruption (apnées) de la ventilation nasobuccale liés à un collapsus des voies aériennes supérieures (VAS) au cours du sommeil [1]. Méconnu jusqu’en 1976, le SAS s’est révélé être une pathologie fréquente dans les pays développés [1]. Il constitue le principal trouble respiratoire lié au sommeil. Les principales conséquences physiopathologiques sont une mauvaise oxygénation nocturne et une fragmentation du sommeil. Un SAS non traité peut être responsable de nombreuses complications médicales (cardiovasculaires, neurologiques) [2]  et de répercussions socio-professionnelles (accidents de la route et du travail, détérioration de la qualité de vie) pouvant se révéler sérieuses [3]; ce qui en fait un véritable problème de santé publique [4].

    En Afrique sub-saharienne, cette pathologie est  sous-diagnostiquée car  méconnue de la population générale et banalisée par les soignants. Au Togo, aucune étude n’a porté sur ce sujet dans ses différents aspects.

    Nous avons initié ce travail afin d’étudier comment les premiers acteurs de la santé, que sont les médecins, prennent en charge le SAS à Lomé (Togo). Plus spécifiquement, il s’est agi d’évaluer leur niveau de connaissances sur la maladie et de décrire leurs attitudes devant les symptômes présomptifs de SAS.

    POPULATION ET METHODE D’ETUDE

    Cadre d’étude

    Notre étude a été réalisée dans la ville de Lomé. Elle constitue une des six régions sanitaires du Togo dont elle est la capitale. Elle se situe à l'extrême sud-ouest du Togo, s'étend sur 90 km2 et compte environ 1.638.416 habitants [5]. Elle abrite  deux centres hospitalo-universitaires et plusieurs autres structures de soins. Trois cliniques privées disposent d’un appareil de polygraphie ventilatoire nocturne. Aucune structure de santé publique ne  dispose d’un laboratoire du sommeil.

    Population d’étude

    Critères d’inclusion

    Ont été inclus dans cette étude les médecins exerçant dans la ville de Lomé, généralistes ou spécialistes, hospitaliers ou libéraux.

    Critères d’exclusion

    Les médecins qui avaient renseigné le questionnaire en absence de l’enquêteur ou qui avaient eu recours à une quelconque source d’information pour renseigner le questionnaire ont été exclus de l’étude.

    Méthode d’étude

    Type et période d’étude

    Il s’est agi d’une étude transversale, descriptive et analytique. Elle s’est déroulée sur six mois, du 1er  Juin  au 30 Novembre 2014.

    Collecte des données

    Un enquêteur a distribué un questionnaire et une lettre de demande de participation à 250 médecins. Le recueil des données a été fait à une heure à la   convenance du médecin.  Pour assurer la fiabilité des données, les médecins étaient priés de renseigner le questionnaire auto-administré en présence de l’enquêteur, sans recours à une source d’information.

    Le questionnaire était composé de questions ouvertes et de questions fermées à choix multiples. Il comportait trente-trois questions réparties comme suit:

    • Six questions sur les caractéristiques de l’enquêté : faculté d’origine, année d'obtention du diplôme de doctorat en médecine, titre, domaine de spécialité.
    • Trois questions sur les différentes sources de connaissances du SAS.
    • Dix-huit questions sur ses connaissances théoriques sur le SAS : signes cliniques, principaux éléments de l'examen clinique et principales complications, la stratégie diagnostique, les possibilités thérapeutiques.
    • Cinq questions sur l’expérience professionnelle vis-à-vis du SAS : nombre de patients dépistés, diagnostiqués ou orientés dans un parcours de soins.
    • Une question sur le besoin de formation: désir de formation complémentaire concernant le SAS.

    Pour les questions portant sur les connaissances: 

    • Lorsqu’une seule proposition était attendue, la réponse était notée 1 point lorsqu’elle était juste, 0 point lorsque le sujet répondait ‘Ne sait pas’ ou s’abstenait de répondre, ou lorsque la réponse était fausse.
    • Lorsque plus d’une proposition était attendue, la réponse valait 2 points lorsque toutes les propositions cochées étaient justes, 1 point lorsqu’une ou deux des propositions cochées était fausse, 0 point lorsque le sujet répondait ‘Ne sait pas’ ou s’abstenait de répondre ou lorsque toutes les propositions retenues par l’enquêté étaient fausses.

    En fonction des réponses, chaque enquêté avait un score compris entre 0 et 28 points. Nous avons défini, de façon arbitraire, trois niveaux de connaissance:

    • MAUVAIS, lorsque le total des points obtenus était compris [0–9] points.
    • MOYEN, lorsque le score était compris entre [10– 18] points.
    • BON, lorsque le sujet avait totalisé [19–28] points.

    Considérations éthiques

     L’anonymat des médecins a été assuré par la codification des questionnaires.

    Analyse des données

    Le traitement statistique et l’analyse des données ont été réalisés à l’aide du logiciel EPI INFO version 7. Les variables qualitatives ont été comparées avec le test de Khi 2. Le seuil de signification a été de 0,05.

    RÉSULTATS

    Taux de réponse

    Sur les 250 auto-questionnaires distribués, 210 ont répondu à nos critères d’inclusion. Le taux de réponse était donc de 84%.

    Caractéristiques de la population étudiée

    Le Tableau I présente les caractéristiques des médecins enquêtés.

    Les 2/3 de notre population étaient représentés par les médecins généralistes.

    Une proportion de 79,05% des médecins enquêtés avaient été formés à la faculté des sciences de la santé de l’université de Lomé. Et 30,95% des enquêtés avaient soutenu leur thèse de doctorat en médecine avant 2010.

    Connaissances générales des médecins sur le SASDifférentes sources d’informations

    La principale source d’information était l’enseignement reçu au cours du cursus universitaire chez 89,05% des médecins.

    Le SAS avait été enseigné lors du cours de pneumologie (75,71%), d’Oto-Rhino-Laryngologie (22,38%), de neurologie (16,19%), de physiologie (09,52%) et de cardiologie (05,24%).

    Une proportion de 27,62%  des médecins avaient entendu parler du SAS au cours d’un enseignement post-universitaire (EPU). Les autres canaux d’information étaient les émissions radio-télévisées (15,71%) et les revues médicales (15,24%).

    Définition de l’apnée

    Selon les médecins, la durée minimale d’une apnée chez l’adulte endormi était de 5 secondes (26,19%), 10 secondes (40%), 30 secondes (10,95%), 45 secondes (02,38%) ou 60 secondes (06,19%).

    Facteurs favorisants le SAS chez l’adulte

    Selon les médecins, les facteurs favorisants le SAS étaient l’obésité (87,14%), l’alcool (39,05%), le tabac (24,76%), le cou large (24,76%), la fatigue (23,81%), la prise de somnifères (17,62%), les reflux gastroduodénaux (RGO) (9,52%) et les allergies (8,10%).

    Facteurs favorisants le SAS chez l’enfant

    Parmi les facteurs favorisants le SAS chez l’enfant, l’hypertrophie des amygdales représentait l’étiologie la plus évoquée par les médecins (74,76%).

    Les autres causes citées étaient l’obésité (63,33%), la polypose nasale (32,38%), la dysmorphie faciale (26,67%), l’imperforation des choanes (17,14%), la rhinite (11,43%), l’asthme (10,0%) et le RGO (06,67%).

    Symptômes nocturnes du SAS

    Les symptômes nocturnes cités par les médecins étaient le ronflement (89,52%), le sommeil agité (54,76%), les apnées (50,48%), les sueurs (32,38%), la nycturie (13,33%), les cauchemars (10,48%), le somnanbulisme (10,48%), l’insomnie (10,0%). Une proportion de 5,24% des médecins a répondu ne pas savoir les réponses.

    Symptômes diurnes du SAS

    Les symptômes diurnes cités par les médecins étaient l’hypersomnolence (80,95%), les céphalées (58,57%), l’asthénie (45,24%), l’irritabilité (42,86%), les troubles de la concentration (42,38%) et la pollakiurie (03,81%).

    Echelle évaluant la somnolence diurne

    Une proportion de 70% des médecins ne connaissait pas l’échelle évaluant la somnolence diurne. L’échelle d’Epworth a été évoquée dans 29% des cas. Un pour cent des médecins avait coché le score de Wells comme réponse.

    Examen de référence

    A été cité comme examen diagnostique de référence du SAS, la polysomnographie (44,02%), la polygraphie ventilatoire nocturne (26,79%), l’oxymétrie nocturne (12,44%), la gazométrie artérielle (2,39%) et l’électro-encéphalogramme (0,96%).

    Paramètre diagnostique

    Le paramètre enregistré qui permet de poser le diagnostic d’un SAS était, le nombre de pauses respiratoires pour 67% des médecins, la désaturation en oxygène pour 12% des médecins, l’importance des ronflements pour 10% d’entre eux.

     Complications médicales du SAS

    Les complications cardio-vasculaires (80%), neurologiques (42,86%) et la mort subite (52,38%) étaient les principales complications médicales citées par les médecins. Les complications cardiovasculaires citées par les médecins étaient l’hypertension artérielle (36,19%), l’insuffisance cardiaque (23,81%), les troubles du rythme (21,43%) et l’insuffisance coronarienne (16,67%). L’accident vasculaire cérébral était la complication neurologique citée par 40% des médecins.

    Complications sociétales du SAS

    Les répercussions du SAS sur la vie courante citées par les médecins étaient les accidents de la voie publique (77,14%), la faible rentabilité (71,90%), les accidents de travail (70%), l’absentéisme (54,29%) et le divorce (30,95%).

    Complications du SAS chez l’enfant

    La faible rentabilité scolaire (73,33%), les troubles de la concentration (68,47%) et de la croissance (20,0%), l’énurésie (63,33%) et les troubles du comportement (63,33%) étaient les principales complications du SAS chez l’enfant citées par les médecins.

    Traitement du SAS

    Parmi les possibilités thérapeutiques du SAS, la ventilation par pression positive continue (PPC) et les mesures hygiéno-diététiques étaient citées chacun dans 65,71% des cas. L’oxygénothérapie (50,95%), le traitement postural (47,14%), l’orthèse d’avancée mandibulaire (34,29%), les médicaments (13,81%), la ventilation non invasive (6,19%) étaient les autres thérapeutiques citées.

    Niveau de connaissance des médecins sur le SAS

    Niveau général de connaissance des médecins sur le SAS

    Le niveau général de connaissance des médecins sur le SAS était bon dans 5% des cas, moyen dans 77% des cas et mauvais dans 18% des cas.

    Analyse des facteurs associés au niveau de connaissance

    L’analyse du niveau de connaissance des médecins selon leur titre, leur grade, leur faculté d’origine, l’année de soutenance de leur thèse et leur spécialité est représenté par le Tableau II.

    Attitudes des médecins face au SAS

    Fréquence de suspicion du SAS

    Une proportion de 60% des médecins n’avait  jamais évoqué le diagnostic de SAS au cours des cinq années qui ont précédé l’enquête. Ceux qui l’avaient déjà évoqué, le faisait rarement (moins d’une fois par an), souvent (plusieurs fois dans l’année) ou très fréquemment (plusieurs fois par mois) dans des proportions respectives de 31%, 8% et 1%.

    Dépistage du SAS

    Le SAS était dépisté par les médecins chez le patient ronfleur (79,05%), dépressif (19,52%) ou insomniaque (15,71%), diabétique (7,62%), alcoolique (19,52%), en surcharge pondérale (77,14%) ou qui avait un cou large (24,29%).

    Le dépistage se faisait également en cas de complications neurologiques ou cardiovasculaires respectivement par 40,96% et 35,24% des enquêtés.

    Attitudes devant un sujet présomptif de SAS

    Les médecins adressaient les sujets présomptifs de SAS en consultation de pneumologie dans 65,24% des cas, d’ORL (22,38%) ou de neurologie dans 10,48% des cas. Certains médecins prescrivaient une polygraphie ventilatoire nocturne (23,81%), des mesures hygiéno-diététiques (6,67%) ou délivraient un repos médical (0,95%).

    Une proportion de 0,95% des médecins avait répondu qu’ils rassuraient le patient sur la non gravité de la maladie.

    Trente-six pour cent des médecins avaient une fois expliqué le SAS à leurs patients contre soixante-quatre pour cent qui ne l’avaient jamais fait.

    Prise en charge du SAS à Lomé

    Une proportion de 71% des médecins ne savaient pas que le SAS était pris en charge à Lomé.

    DISCUSSION

    Méthode d’étude

    Notre étude s’est attachée à faire l’état des lieux des connaissances et attitudes des médecins sur le SAS à Lomé. Notre population d’étude qui était constituée de 250 médecins peut être considérée comme représentative du corps médical exerçant à Lomé. C. Marijon [6] et Ballivet de Régloix et al. [7] ont mené une enquête sur le même sujet à l’île de la réunion en 2005 et en France métropolitaine en 2009, respectivement auprès de 141 médecins libéraux et 108 médecins militaires.

    Les résultats de notre étude peuvent être le reflet des connaissances et pratiques des médecins en matière de prise en charge du SAS au Togo car Lomé, qui a été notre cadre d’étude, est la capitale du Togo et la majorité des médecins y est concentrée. Notre taux de réponse était de 84% contre 20% dans l’étude menée par Ghivalla-Omarjee [8] à l’île de la Réunion. Ce fort taux de réponse était dû au fait qu’un rendez-vous était préalablement pris auprès des médecins à une heure qui leur convenait. Ghivalla-Omarjee [8], pour son enquête avait adressé les questionnaires aux médecins par voie postale. Nous avons, comme Marijon [6], choisi que les médecins enquêtés s’auto-administrent le questionnaire en présence de l’enquêteur afin de réduire les biais d’informations. En effet, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication rend disponibles et accessibles toutes les informations. Or il était question d’évaluer le niveau brut de connaissance des médecins sur le SAS.

    Niveau de connaissance et sources d’information

    Le niveau général de connaissance sur le SAS était moyen et faible respectivement chez 77% et 18% des médecins enquêtés. Aucun des médecins spécialistes, ayant en charge le SAS, n’avait un niveau faible. Un cours plus approfondi sur le SAS était dispensé lors de leur cursus de spécialisation. La majorité des médecins, dont le niveau de connaissance était moyen, avait soutenu leur thèse de doctorat en médecine après 2010.

    Cela s’explique par le fait que l’enseignement du SAS a été récemment introduit dans les curricula de formation dans les facultés de médecine en Afrique occidentale. C’est ce qui justifie que la principale source d’information sur le SAS des médecins enquêtés était le cursus universitaire (89,05%), notamment le cours de pneumologie (75,71%). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative (p= 0,18) en fonction de la faculté d’origine (p= 0,89). Dans l’étude menée par Ludivine Kronek [10] au Nord Pas-de-Calais en France, l’enseignement post universitaire  (EPU)  (48%)  et les  revues  médicales (43%) étaient les principales sources d’information. Au-delà de la formation universitaire reçue, il serait important de renforcer les formations médicales continues.

    Facteurs favorisants du SAS

    L’obésité, l’alcool et le tabac étaient cités comme principaux facteurs du SAS chez l’adulte respectivement par 87,14%, 39,05% et 28,10% des médecins. Dans l’étude de Marijon [6], 94,3% des médecins avaient retenu l’obésité comme principal facteur du SAS. Les toxiques tels l’alcool, le tabac étaient évoqués respectivement dans 55% et 50% des cas. L’obésité serait, en effet, retrouvée chez 60 à 70% des patients atteints d’un SAS. L’influence de l’obésité sur la collapsibilité des VAS s’exerce localement par l’excès de tissus mous autour des parois pharyngées réduisant ainsi leur calibre [11]. Cependant, l’absence d’obésité n’exclut pas la possibilité d’un SAS.

    L’hypertrophie amygdalienne était  citée par 74,76% des médecins comme étant la principale étiologie du SAS chez l’enfant. Il en était de même dans l’étude de Marijon [6]. Devant un enfant qui ronfle ou présente des symptômes de SAS, un examen systématique de la gorge s’avère nécessaire. Les autres causes évoquées, chez l’enfant, étaient l’obésité (63,33%), la polypose nasale (32,38%) et les dysmorphies faciales (26,67%).

    Ainsi l’obésité est un facteur de risque de SAS commun à tous les âges.

    Symptômes du SAS

    Dans notre étude, étaient cités comme symptômes nocturnes les ronflements (89,52%), le sommeil agité (54,76%), et les apnées (50,48%). Dans l’étude de  Marijon [6], 78% des enquêtés avaient évoqué les apnées comme principal symptôme. Le ronflement y avait été cité par 68% des médecins. L’apnée est un symptôme parfois difficile à apprécier par le patient. En revanche, l’entourage qui assiste au sommeil du patient, joue un rôle important dans le rapportage et la description de ces évènements respiratoires.

    La somnolence excessive était le symptôme diurne le plus évocateur. Environ 81% de nos médecins enquêtés l’avaient cité contre 94% dans l’étude de Kronek [10].  Elle revêt différents aspects, depuis l’hypersomnolence  passive où le sujet s’endort dès qu’il est inactif jusqu’au stade sévère de l’hypersomnolence active où il s’endort alors qu’il était en activité. Ce qui peut avoir des conséquences graves comme les accidents de la voie publique [3]. L’échelle la plus utilisée pour évaluer une somnolence est celle d’Epworth. Elle a été cité par 29% des enquêtés. Ces résultats démontrent une bonne connaissance des médecins concernant les trois signes cardinaux du SAS que sont: l’hypersomnolence diurne, les apnées et les ronflements. Certains signes atypiques sont fréquemment associés au SAS tels que les céphalées matinales,  la nycturie ou les troubles psychiques se traduisant par des difficultés de concentration. Ces signes d’appel ont été rarement cités dans notre étude. Bien qu’ils paraissent éloignés du SAS, ils représentent autant de circonstances diagnostiques qui mériteraient d’être enseignées aux médecins pour tenter d’améliorer le dépistage.

    Examens complémentaires du SAS

    Les médecins interrogés étaient peu familiers aux explorations paracliniques. La polysomnographie est l’examen diagnostique de référence du  SAS [12]. A peine 44% des enquêtés l’avaient citée comme examen clé. Même remarque faite dans l’étude de Marijon où seuls 35% des médecins avaient eu à l’évoquer. La polygraphie ventilatoire nocturne, un des meilleurs tests de dépistage puisqu'il pourrait permettre de diagnostiquer environ 80 % des SAS, avait été citée par 26% des médecins.

    Au cours de ces deux examens, 67% des médecins retenaient le nombre d’apnées comme principal paramètre diagnostique alors que 12% des médecins interrogés retenaient la mesure de la saturation artérielle en oxygène. Il en était de même dans l’étude de Ballivet de Régloix et al. [7] où le nombre d’apnées (67%)  et la saturation artérielle en oxygène avaient été retenus respectivement par 67% et 31% des médecins enquêtés.

    Complications médicales du SAS

    Dans notre étude, les répercussions cardiovasculaires étaient les principales complications médicales citées par les médecins dans 80% contre 54,6% dans l’étude de Marijon [6]. Des études épidémiologiques de cohortes prospectives dans la population générale ont montré une association très forte entre SAS et pathologies cardiovasculaires [2]. La mort subite (52,38%) et les complications neurologiques (42,86%) étaient les autres complications médicales évoquées.

    Les AVC sont les complications neurologiques les plus rencontrées. Ceci s’explique par le fait que l’hypoxie intermittente au cours des apnées, entraîne des phénomènes d’oxydation favorisant la formation de plaques d’athérosclérose, point de départ d’événements emboligènes cardiovasculaires ou cérébraux [2]. Parmi les 80% des médecins ayant cité les complications cardiovasculaires, seuls 36,19% avaient évoqué l’HTA comme dans l’étude de Marijon [6] (36%). Or, l'HTA est la complication cardio-vasculaire majeure chez les patients porteurs de SAS [2]. Sa prévalence est estimée à 60% et elle augmente avec la valeur de l'IAH. Tout patient présentant une affection cardiovasculaire devrait faire l’objet d’un dépistage de SAS.

    Complications socio-professionnelles du SAS

    Les complications socio-professionnelles chez l’adulte citées par les médecins étaient  les accidents de la voie publique (77,14%), la faible rentabilité (71,90%) et les accidents de travail (70%). Le SAS multiplie par 3 le risque d’accidents de la route, entrainant donc une surmortalité [13]. Dans l’étude de Lindberg E. et al. [14] le SAS multipliait par 2 ou 3 le risque d'accidents du travail. D'où l'importance de dépister le SAS chez des patients exerçant des métiers à risque.

    Chez l’enfant, la faible rentabilité scolaire (73,33%) représentait la principale complication citée par les médecins. Les troubles de la concentration étaient évoqués respectivement par 68,47% des enquêtés. En effet, la déstructuration du sommeil ne favorise pas le processus de mémorisation et la dette de sommeil génère une somnolence diurne contre laquelle le sujet apnéique tente de lutter.

    Moyens de traitement du SAS

    La ventilation par PPC et les mesures hygiéno-diététiques étaient les principaux traitements cités par les médecins dans une proportion de 61% chacun. L’oxygénothérapie, la chirurgie, le traitement postural et l’orthèse d’avancée mandibulaire avaient été cités respectivement dans 50,95%, 50,00%, 47,14% et 34,29%.  Dans l’étude de Kronek [10], la PPC et les mesures hygiéno-diététiques avaient été citées par les médecins respectivement dans 99% et 81%. La PPC reste le traitement de référence du SAS et doit apparaître en première intention dans l’algorithme de prise en charge. Elle supprime les événements respiratoires, restaure une qualité de sommeil normal et fait disparaître la somnolence diurne. L’étude de Smith et al. [15] met en évidence une diminution des apnées, de la sévérité des désaturations nocturnes et de la somnolence diurne chez les obèses ayant perdu du poids de façon significative.

    Fréquence de suspicion du SAS

    Dans notre étude, 31%  des médecins déclaraient évoquer le SAS moins d’une fois par an contre 50% dans l’étude de Ballivet de Régloix et al. [7]. Ce résultat était également retrouvé dans l’étude de Krammer et al. [9] où les médecins n’avaient évoqué le diagnostic de SAS que chez 0,13% de leurs patients alors que la prévalence du SAS est estimée à 2-3% de la population. Les signes cliniques évocateurs d’un SAS sont souvent banalisés par les patients eux-mêmes. Ils constituent donc rarement des motifs de consultation. Soixante pour cent des médecins ne l’avaient jamais évoqué.

    Dépistage du SAS

    Selon les médecins, le profil du patient chez lequel ils devraient dépister le SAS  était le patient ronfleur (79,05%) et le patient en surcharge pondérale (77,14%).

    La prévalence des ronflements augmente dans les deux sexes après 35 ans. On admet que 60% des hommes et 40% des femmes d’âge moyen (40-60 ans) sont des ronfleurs habituels [14]. Vu la fréquence du ronflement, il est clair que ce dernier n’est pas pathognomonique de SAS. Ce qui est évocateur, c’est un ronflement régulièrement interrompu par des apnées et réapparaissant de façon intense à la reprise ventilatoire.

    Attitudes des médecins devant un patient suspect du SAS

    Les médecins orienteraient les cas suspects de SAS vers un pneumologue (65,24%), un ORL (22,38%) un neurologue (10,48%) tandis que 23,81% des médecins proposeraient directement un enregistrement du sommeil. Dans l’étude de Ballivet de Régloix et al [7], 53,7% des médecins proposaient une consultation en pneumologie et une prise en charge hygiéno-diététique à tout patient suspect de SAS. Une proportion de 40,7% de ces médecins orientait les patients vers l’ORL. La prise en charge du SAS étant pluridisciplinaire, il est donc licite d’adresser un patient suspect à un spécialiste ayant des compétences en médecine du sommeil. Une proportion de 40,7% de ces médecins orientait les patients vers l’ORL. La prise en charge du SAS étant pluridisciplinaire, il est donc licite d’adresser un patient suspect à un spécialiste ayant des compétences en médecine du sommeil.

    CONCLUSION

    Le SAS est une affection sérieuse reconnue comme un problème de santé publique dans les pays développés. Notre étude a eu le mérite de faire l’état des lieux des connaissances théoriques brutes des médecins de Lomé sur le SAS. Il en ressort que le niveau de connaissance général était moyen. En effet, la majorité des médecins, indépendamment de leurs facultés d’origine, de leur spécialité, connaissaient les signes cardinaux de la maladie et ses complications. Mais il existait des lacunes concernant de nombreux autres signes de la maladie nécessaires pour constituer un faisceau d’arguments cliniques. Ces connaissances théoriques ont été essentiellement acquises au cours de leur formation médicale universitaire initiale. La majorité des enquêtés n’avait jamais évoqué ce diagnostic. La démarche diagnostique n’était pas bien maîtrisée. Près de 70% des médecins ignoraient que le SAS pouvait être pris en charge à Lomé. Ce qui justifiait l’attitude passive devant les symptômes évocateurs de la maladie.

    Cette étude souligne la nécessité d’insister sur l’enseignement du SAS aussi bien au cours de la formation médicale initiale que post universitaire. Une meilleure connaissance de la maladie par les praticiens contribuerait certainement à améliorer le dépistage, le diagnostic et le traitement du SAS.

    CONFLIT D’INTÉRÊT

    Aucun.

     


    TABLES


    REFERENCES

    1. Guilleminault C, Tilkian A, Dement WC. The sleep apnea syndromes. Annu Rev Med 1976; 27: 465-84.

    2. Shahar E, et al. Sleep-disordered Breathing and Cardiovascular Disease. Cross-sectional Results of the Sleep Heart Health Study. Am J Respir Crit Care Med 2001; 163: 19-25.

    3. Findley LJ, Unverzagt ME, Suratt PM. Automobile accidents involving patients with obstructive sleep apnea. Am Rev Respir Dis 1988; 138: 337- 40.

    4. D’ambrosio C, Bowman T, Mohsenin V. Quality of life in patients with obstructive sleep apnea. Chest 1999; 115: 123-9.

    5. http://www.uct-togo.org/index.php consulté le 15 mars 2014 à 21h46.

    6. Marijon C. Etat des lieux des médecins généralistes concernant le syndrome d’apnées du sommeil: enquête descriptive auprès de 141 libéraux installés sur l’Ile de la Réunion. [Thèse de Doctorat d’Université, Médecine]. Bordeaux: Université Bordeaux 2 Victor Segalen, 2005.

    7. Ballivet de Régloix S, Pons Y, Chabolle F, Clément P, Maurin O, Conessa C. La Revue du Praticien, Médecine générale 2010; 60(5): 669-82.

    8. Ghivalla-Omarjee S. Facteurs prédictifs d’inobservance thérapeutique dans le Syndrome d’apnées du sommeil appareillé. Niveau d’implication du médecin généraliste dans la prise en charge thérapeutique. Etude menée au travers d’un auto-questionnaire sur une population de 309 patients et de 120 médecins généralistes. [Thèse de Doctorat d’Université, Médecine]. Paris 7: Université Denis Diderot; 2010.

    9. Kramer NR, Cook TE, Carlisle CC, et al. The role of primary care physician in recognizing obstructive sleep apnea. Arch Intern Med 1999; 159: 965-8.

    10. Kronek L. Evaluation des connaissances en 2012 sur le syndrome d’apnées hypopnées obstructives du sommeil et de sa prise en charge auprès de 679 médecins généralistes du Nord Pas-De-Calais. [Thèse de Doctorat d’Université, Médecine]. Lille 2 Université du Droit et de la Santé; 2013.

    11. Maalej S, Aouadi S, Hatem BM, Bourguiba M, Kheder AB, Drira I. Facteurs prédictifs du syndrome d’apnées obstructives du sommeil chez les obèses. La tunisie Medicale 2010; 88(02): 92-6.

    12. Douglas NJ, Thomas S, Jan MA. Clinical value of polysomnography. Lancet 1992; 147: 347-50.

    13. Teran-santos L, Jimenez-Gomez A, Cordero-Guevara J. and the cooperative group Burgos- Santader. The association between sleep apnea and the risk of accidents. N Engl J Med 1999; 340: 847-51.

    14. Lindberg E, Carter N, Gilason T, Janson C. Role of snoring and daytime sleepiness in occupational accidents. Am J Respir Crit Care Med 2001; 164: 2031-5.

    15. Lavie P, Lavie L, and Herer P. All cause mortality in males with sleep apnea syndrome: declining mortality rates with age. Eur Respir J 2005; 25(3): 514-20.


    ARTICLE INFO

    DOI: 10.12699/jfvp.7.21.2016.7

    Conflict of Interest
    Non

    Date of manuscript receiving
    10/2/2016

    Date of publication after correction
    15/7/2016

    Article citation 

    Adambounou AS,  Adjoh KS, Ouédraogo AR, Efalou P,  Aziabé KA,  Hounsou SE,  Gbadamassi AG, Maïga S,  Djibril MA, Bélo M, Tidjani O. Current state of knowledge and attitudes of physicians in Lome on sleep apnea syndrome.  J Func Vent Pulm 2016; 21(7): 7-14.